Après plusieurs années de travaux individuels, le groupe Welsn’ny rebondit dans le showbiz togolais. Découvrons ensemble les raisons de cette réapparition.

 Bonjour équipe Welsn’ny, merci pour votre disponibilité. Veuillez vous présenter à l’audience de MyAfricaInfos !

Welsn’ny est composé de : N’gbanla Moussouma Roland alias Oro Below et de Yacke Aklesso komi alias Yack More. Tous les deux aujourd’hui quadragénaires et pères de familles.
Moi (Oro Below), je travaille dans la programmation des machines industrielles du robotique et je réside en Allemagne et Yack More est commerçant résidant à Lomé

Welsn’ny (l’équipe) a, permettez le mot, disparu de la vue du public avant de rebondir il y a un an. Qu’est-ce qui s‘est passé ?

Notre groupe a disparu du showbiz togolais après la sortie de notre unique album. Cette séparation était due à mon voyage en Allemagne. Cependant chaque membre du groupe a continué à avancer dans la musique en solo. De mon côté j’ai sorti deux albums dont le premier en 2001 et le second en 2005.

Le rap en kabyè, vous étiez “quasiment” tout premiers à l’enclencher. Vous avez défendu plusieurs valeurs dans un flow impressionnant : L’homme, le courage, le travail… d’où puisiez-vous ces valeurs ?

Vous savez, à l’époque (en début des années 1990), tous les rappeurs sans exception le faisaient en français ou en anglais. On essayait de copier les USA, ou la France. Le déclic au niveau de Welsn’ny est venu un jour. J’ai écouté sur Rfi, un rappeur sénégalais en Wolof. Et le flow était beau, j’étais impressionné. Je me suis dès lors lancé le challenge de faire une chanson rap en langue togolaise. Et le hasard des choses, c’est que je suis Kabyè, et même si je suis né et j’ai grandi à Lomé tout en comprenant parfaitement le « Mina », la langue que je maitrisais le plus étais le Kabyè qui était parlé à la maison.

Haii ESSO 1998 , Welsn’ny (Oro Below x Yack More)

J’ai mis 3 jours à écrire une chanson et ce fut la première chanson rap en Kabyè intitulée « Haï Esso » (Ndlr : Ô Dieu !).  Par chance, ce fut un succès, et nous avons continué dans ce sens avec de temps en temps, quelques punchs en français. Progressivement, c’est devenu notre identité. Le groupe Welsn’ny était devenu une référence par rapport au rap Kabyè, surtout que nous nous adaptions à l’évolution, en intégrant au rap quelques sonorités traditionnelles kabyè ainsi que des styles musicaux kabyè pour agrémenter, harmoniser notre musique.
Si aujourd’hui, Welsn’ny est perçu comme du « Kabyè Style », ce n’était pas quelque chose calculé en tant que tel, dès le début. Mais c’était quand même le rêve de petits rappeurs qui avaient l’ambition de faire des choses assez originales.

Si vous deviez résumer le parcours de Welsn’ny et rafraîchir la mémoire du public: votre genèse …que diriez-vous?

Nous avons commencé en 1992 en période de grève générale illimitée. Depuis les bancs d’école du collège, je faisais du rap. Je passais mon temps à bluffer mes camarades qui étaient impressionnés par mon faux anglais de l’époque. Mais en 1992 l’idée m’est venue de créer un groupe après avoir remarqué qu’il y avait des groupes de chanteurs dans les quartiers voisins (Kodjoviakopé, Nyikonakpoè), ce qui n’était pas le cas chez nous. J’ai donc motivé deux camarades de notre quartier Tokoin forever (yack more et gaston diaz). Notre groupe de trois était surnommé à l’époque ‘’Magic Black’’.

J’écrivais les textes et on s’entrainait. Les samedis nous allions à radio Lomé (dans l’émission Fréquence Jeunes) ou à la radio Nostalgie (dans l’émission Boom Star), des émissions dans lesquelles on faisait quelques freestyles, avec du rap. Par la suite, nous nous sommes bâtis une bonne réputation et les gens nous invitaient dans des bars pour prester. Ensuite l’orchestre de l’université du Bénin (actuelle université de Lomé) nous avait recrutés et nous conviait aux concerts de semaines culturelles. Nous le faisions beaucoup plus pour le plaisir. En 1996-1997 le concours Festival du Rap Hip Hop organisé par les animateurs radio et télé, avait été lancé. Nous nous sommes inscrits et nous sommes arrivés en finale. En début d’année 1998, on a réussi à obtenir la première place. C’est donc grâce à ce concours qu’on a eu à produire notre premier album au Togo (album Wolo avec le premier clip rap du Togo tourné par la TVT), plus tard, on a fait le tour du Togo ; nous étions invités un peu partout. Avec mon départ en Allemagne chaque membre a dû continuer son parcours individuellement. de 1992 à 1996 le groupe était composé de 3 personnes avec le nom Magic Black. Un des membres avait voyagé au Sénégal et le duo a continué avec le nouveau nom Welsn’ny. Avec la chanson Haï Esso, nous avons été sélectionnés aux côtés de King Mensah comme tube de l’année pour prester à la cérémonie Miss-Togo en 1998.

Solim Wè – Welsn’ny (Official Video)

Est-ce que vous avez réussi à exporter votre talent, votre message et votre musique en chantant en langue locale (Kabyè)? Quels en sont les impacts réels qui pourraient inspirer la jeune génération?

Le rap est une musique de message donc il serait difficile d’exporter cette musique vers des populations qui ne comprennent pas le message. Cependant on peut être ambassadeur de la culture africaine en exportant la music de chez nous vers l’étranger. Ce qui fut mon cas quand j’ai eu à jouer dans des festivals interculturels en Allemagne. Ceux qui s’intéressent à la culture d’autres pays, demandent forcément à comprendre le message véhiculé. La majeure partie du temps on a du mal à véhiculer le message. Même chez nous au bercail on est obligé d’expliquer le message de la chanson aux autres ethnies qui ont du mal à comprendre le kabyè (langue locale du Nord Togo). Donc, c’est déjà une difficulté de conquérir le Togo par le rap Kabyè, c’est une réalité qui nous limite un peu.  Mais, animés de fierté et de volonté, on le fait pour du mieux qu’on peut. Par contre quel impact réel sur nos jeunes frères ? Ce sera plutôt à la jeune génération de le témoigner. C’est vrai qu’il y a de jeunes frères qui font très bien le rap en Kabyè, mais c’est difficile de dire s’ils s’inspirent de nous ou s’ils partent de zéro.

Vous revenez aujourd’hui avec “solim-wè” et “c’est quelle histoire encore” entre autres. Même prestance, même flow, même intensité. Quel a été l’accueil du public?

Au même titre que le public togolais, les autres musiciens, les acteurs de la musique togolaise ont été contents de retrouver Welsn’ny. Ceux qui ont connu Welsn’ny à l’époque ont été très heureux de nous retrouver ensemble sur de nouveaux projets. Ça les égaie et ça leur rappelle leur jeunesse. En générale, les chansons sont bien accueillies et il y a beaucoup de respect envers nous et ce que nous faisons.

C’est quelle histoire encore? WELSN’NY( Oro Below x Yack More ) clip officiel by Famous people

Les deux clips ont été tournés au pays. Est-ce que Welsn’ny est tout à fait installé au pays?

Les deux dernier clip ‘’ solim wè’’ et c’est ‘’quelle histoire encore’’ ont été tournés au Togo. Puisque moi je vis depuis quelques années en Allemagne et mon ami Yack More est à Lomé.  Les projets du groupe sont faits quand je suis aux pays. On passe notre temps à enregistrer de nouveaux morceaux. Sinon chacun est libre de bosser en solo. Welsn’ny en fait, c’est les retrouvailles, alors chacun évolue sur ses projets personnels et quand l’occasion se présente et qu’on se retrouve, on remet quelques projets ensemble.

Quels sont vos rapports avec les artistes au Togo?

Tout se passe bien avec tous nos collègues artistes. Nous avions toujours entretenu de bonnes relations avec ceux avec qui nous travaillons. Jusqu’à présent nous n’avons pas encore eu un quelconque problème avec qui que ce soit. Les gens de notre génération ont été très surpris de nous voir encore ensemble. Notre génération n’est pas complètement éteinte. Ceci va surement motiver d’autres personnes et d’autres groupes de notre génération à faire bâtir d’autres projets. Tout se passe bien avec tous nos collaborateurs.

Aujourd’hui, quelle perception avez-vous sur le rap tout comme la musique en Kabyè?

Il y a plein de jeunes qui chantent eux aussi maintenant en langue kabyè et ils réussissent très bien. La musique Kabyè est l’équivalent du showbiz togolais.

Le rap a beaucoup évolué avec le temps que ce soit sur la forme ou le fond. Il a connu plusieurs modifications dans le fond et la forme. Le rap est devenu plus mélodieux avec des tendances qu’on appelle « trappe ». Bien avant le rap véhiculait des messages de revendication sociale mais maintenant c’est devenu une sorte de challenge entre les rappeurs. Il y en a aussi qui font des textes conscients, mais la majorité c’est plus des challenges.

Actuellement c’est plus facile de pouvoir émerger et de pouvoir se faire connaitre par sa musique. Avant il y’avait pratiquement que trois grands studios à Lomé mais aujourd’hui presque chaque quartier dispose de plusieurs studios et puis les coûts sont plus abordables maintenant qu’avant. Avec les réseaux sociaux et la pluralité des médias il est plus facile de partager sa musique et d’en faire la promotion.

Mais, je pense que le côté négatif de cette évolution est que la musique n’est plus vendable. Mais aujourd’hui la nouvelle technologie empêche plusieurs artistes d’avoir des revenus car les CD ne sont plus vendus. Le revenu est presqu’exclusivement acquis lors des concerts et spectacles

Un message particulier ?

Nous Welsn’ny remercions les personnes qui ont toujours eu à nous soutenir depuis le début de notre aventure. Principalement les animateur radios, télé qui ont été les promoteurs de notre travail et toute ces personnes qui ont toujours aimé ce que nous faisons. Nous remercions également MyAfricaInfos pour tout ce que vous faites pour la musique africaine nous vous remercions du fond du cœur.

Interview réalisée par Alo Lemou

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