La schizophrénie est un trouble mental sévère et chronique qui affecte plus de 23 millions de personnes dans le monde. La schizophrénie se caractérise par des distorsions de la pensée, des perceptions, des émotions, du sentiment de soi et du comportement.

Cette maladie est une pathologie psychiatrique chronique complexe qui se traduit schématiquement par une perception perturbée de la réalité, des manifestations productives, comme des idées délirantes ou des hallucinations, et des manifestations passives, comme un isolement social et relationnel. En pratique, elle peut être très différente d’un patient à l’autre, selon la nature et la sévérité des différents symptômes qu’il présente.

Elle concerne aussi bien les femmes que les hommes, ces derniers semblant touchés par des formes plus précoces et invalidantes. Elle semble plus fréquente chez les personnes vivant en milieu urbain et celles ayant un parcours d’immigration.

La maladie se révèle généralement au cours de l’adolescence, entre 15 et 25 ans, mais elle débute le plus souvent plus tôt, sous une forme atténuée.

Pour comprendre ces caractéristiques épidémiologiques particulières, il faut se tourner vers les mécanismes biologiques impliqués dans la maladie.

En effet, le cerveau est une structure dynamique caractérisée par sa plasticité, c’est-à-dire sa capacité à se structurer et restructurer au cours du temps, selon les évènements et expériences vécus. Le stress lié à certaines situations, les atteintes infectieuses ou l’exposition à des substances, altéreraient la qualité de cette plasticité et pourrait favoriser certaines pathologies comme la schizophrénie.

Dès l’âge de 10-12 ans et jusqu’à 30 ans, le passage de l’enfance à l’âge adulte se traduit en effet par une phase particulièrement intense de maturation du cerveau, au cours de laquelle les neurones et différentes régions cérébrales se réorganisent. L’adolescence constitue donc une période critique pour le bon fonctionnement cérébral futur. Perturber les processus cérébraux qui la caractérisent peut avoir des conséquences délétères ultérieures.

Ceci explique pourquoi la majorité des maladies psychiatriques se développent avant l’âge de 25 ans. Heureusement, pour les mêmes raisons, cette période constitue une phase au cours de laquelle une intervention thérapeutique adaptée peut être particulièrement efficace.

Caractérisée par un ensemble de symptômes très variables; aujourd’hui, une prise en charge adaptée, combinant traitement pharmacologique et psychosocial, permet d’obtenir une rémission durable chez un tiers des patients. Les chercheurs tentent de mieux comprendre la pathologie et ses facteurs de risque. Ils cherchent aussi à identifier des marqueurs de sa survenue et de son évolution afin de pouvoir être en mesure d’intervenir le plus tôt possible et de prévenir la sévérité de la maladie.

Une origine génétique et environnementale

La schizophrénie est une maladie dont l’origine est plurifactorielle. Son développement résulterait d’une interaction entre gènes et environnement, suggérant qu’il existe une vulnérabilité génétique précipitée par des facteurs environnementaux.

Sur le plan génétique:

Il existe a priori deux types de prédisposition génétique à la maladie. D’une part, certaines variations génétiques ont été identifiées comme étant associées à un léger surrisque de développer la maladie en cas d’exposition à des facteurs de risque environnementaux.

Cependant, leur impact modeste rend leur identification difficile. D’autre part, quelques mutations ponctuelles rares ont été décrites comme ayant un impact majeur sur le risque de développer une schizophrénie. Elles toucheraient préférentiellement des gènes jouant un rôle dans la plasticité neuronale, en partie communs avec ceux impliqués dans d’autres troubles du neurodéveloppement.

Pris globalement, le rôle de la génétique reste donc modéré : la fréquence de la maladie reste 10 fois plus faible que la fréquence à laquelle ces facteurs de vulnérabilité génétique sont retrouvés au sein de la population générale.

Chez des jumeaux qui possèdent le même patrimoine génétique, lorsque l’un est atteint de schizophrénie, le risque que le second développe la maladie n’est que d’environ 40%.

Sur le plan environnemental:

Différents facteurs environnementaux pourraient favoriser le développement de la maladie, notamment au cours de la période critique que constitue l’adolescence et le début de la vie adulte.

Des travaux suggèrent aussi que certains éléments influençant le développement cérébral notamment des problèmes au cours du développement fœtal en raison d’incompatibilité rhésus ou de complications liées à une grippe contractée pendant la grossesse augmentent le risque ultérieur de schizophrénie, mais l’effet reste assez faible. Les troubles précoces du développement ont ainsi été identifiés comme facteurs favorisant l’apparition d’un trouble schizophrénique.

Deux autres paramètres constituent, eux aussi des facteurs de risque bien établis précipitant l’apparition de troubles psychotiques :

–  Le  stress, qui est décrit comme pouvant altérer différents mécanismes biologiques (neurogenèse, activité des facteurs de croissance et survie des neurones…) au niveau de plusieurs structures cérébrales (hippocampe, cortex préfrontal, amygdale…). Il expliquerait ainsi l’incidence plus élevée de la maladie en milieu urbain ou parmi les sujets ayant eu un parcours de migration, notamment au cours de l’enfance et de l’adolescence.

– La  consommation de substances psychogènes et particulièrement le cannabis : le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) perturberait la maturation cérébrale en agissant sur les récepteurs qu’il active, nombreux au niveau des zones du cerveau impliquées dans les pathologies psychiatriques, et particulièrement dans les régions où la plasticité est importante à l’adolescence. Ainsi, la consommation de cannabis doublerait le risque de schizophrénie, mais avec une grande hétérogénéité en fonction des individus. Cet effet dépendrait de la dose, de la teneur du produit en THC, de la durée d’utilisation et de l’âge d’exposition.

Enfin, d’autres aspects liés à l’hygiène de vie joueraient aussi un rôle significatif : qualité du sommeil, nutrition, apports en facteurs neurotrophiques favorisant la croissance et la survie des neurones comme les folates.

Symptômes et diagnostic

La schizophrénie est une pathologie souvent difficile à diagnostiquer. Il n’est donc pas rare que le diagnostic soit posé alors que la maladie progresse depuis plusieurs années.

La difficulté à poser le diagnostic s’explique par la diversité de ses symptômes, pouvant être parfois confondus avec ceux de la dépression, d’un trouble anxieux sévère ou des troubles bipolaires, notamment quand les symptômes déficitaires sont au premier plan.

Dans trois quart des cas, la schizophrénie n’est pas une maladie d’apparition brutale.  Elle débute par des symptômes atténués, souvent peu spécifiques, associés à des difficultés cognitives. Ces symptômes annonciateurs, ou “prodromiques”, correspondent à un état mental à risque d’évolution vers un trouble psychotique.

Les symptômes sont alors non seulement moins intenses, mais en outre moins fréquents ou moins durables. A ce stade, l’évolution vers la schizophrénie n’est pas inéluctable puisque, statistiquement, seul un tiers des personnes concernées évolueront vers un premier épisode psychotique, parmi lesquels un peu plus de la moitié évoluera ultérieurement vers une schizophrénie chronique.

Dans l’objectif d’un repérage précoce, toute la difficulté consiste à ne pas banaliser une modification de comportement chez un adolescent, sans s’alerter trop vite : il faut solliciter une évaluation médicale face à certains signes, comme un changement de comportement et d’intérêt, un retrait, l’arrêt des activités habituelles, des idées étranges comme le sentiment de télépathie, des idées de persécution ou encore des préoccupations mystiques ou philosophiques marquées, des perceptions altérées

Le jeune peut aussi avoir l’impression de ne plus réussir à réfléchir de la même façon, ou le sentiment d’avoir une pensée modifiée.

Même s’ils ne constituent pas un élément d’alerte pris séparément, l’isolement social et la baisse des résultats scolaires accompagnent souvent les premiers symptômes.

Ainsi, l’orientation rapide des jeunes en rupture scolaire ou sociale vers des consultations spécialisées est pertinente : elle permet une évaluation précise et multidisciplinaire de la situation. Le cas échéant, elle permet aussi de tenter d’enrayer la dérive, et de prévenir le risque d’une évolution possible vers un trouble psychotique avéré, voire une schizophrénie.

Trois types de symptômes peuvent se manifester de façon chronique ou de façon épisodique (période de psychose) :

Les symptômes productifs (ou positifs) sont les plus impressionnants : ils rassemblent les délires et les hallucinations et peuvent se traduire en un sentiment de persécution (paranoïa), une mégalomanie, des idées délirantes invraisemblables et excentriques, ou encore des hallucinations sensorielles, souvent auditives (le sujet entend des voix) mais aussi visuelles, olfactives, tactiles ou gustatives.

Les symptômes négatifs (ou déficitaires) correspondent à un appauvrissement affectif et émotionnel. Le patient se met en retrait et s’isole progressivement de son cercle familial, amical et social. Il communique moins, présente une volonté limitée et manifeste une émotivité réduite. Il présente moins d’intérêt et de volonté et davantage d’apathie, ce qui peut ressembler à une dépression.

Enfin, les symptômes dissociatifs correspondent à une désorganisation de la pensée, des paroles, des émotions et des comportements corporels. La cohérence et la logique du discours et des pensées sont perturbées. Le patient est moins attentif, présente des difficultés à se concentrer, mémoriser, comprendre ou se faire comprendre. Il peut avoir des difficultés à planifier des tâches simples comme faire son travail ou des courses, ce qui peut être source d’un handicap majeur dans la vie quotidienne.

La schizophrénie débute à la suite d’un épisode psychotique inaugural qui n’est malheureusement pas toujours identifié ou pris en charge. Elle suit ensuite une évolution fluctuante, avec des symptômes chroniques auxquels se surajoutent parfois des phases de psychose aiguës. Elle peut ensuite se stabiliser avec des symptômes résiduels d’intensité variable selon les personnes. Le pronostic varie en fonction des caractéristiques de la maladie et de la précocité de la prise en charge.

Soulignons que dans 35 à 40% des cas, le début de la maladie est brutal. La personne ne passe pas par les phases préliminaires. Elle peut être plongée dans une indifférence absolue et éprouver l’impression d’être dédoublée. La bouffée délirante aiguë est un mode d’entrée dans la maladie particulièrement brutal : elle s’installe en quelques heures, chez un patient entre 18 et 45 ans, qui n’a pas d’antécédents psychiatriques en dehors parfois d’épisodes similaires. D’emblée le délire est constitué et la personne va agir en fonction de ce dernier, ce qui explique les conduites bizarres souvent observées (fugues, bagarres, actes médico-légaux). A certains moments le patient peut avoir conscience de sa maladie, ce qui majore son angoisse.

Dans la phase aiguë de la maladie, le schizophrène ne parvient même plus à vérifier sa propre réalité dans les objets et les êtres qui l’entourent. On observe même une altération de la notion de schéma corporel. L’être ne se dessine plus matériellement à ses propres yeux. Le malade est désynchronisé. Il sourit à contresens, n’achève pas ses gestes ou les rend mécaniques comme ceux d’une marionnette. Il croit qu’on lui dérobe sa pensée.

Quel risque pour le patient ?

En dépit de l’emphase donnée à certains faits divers, les patients schizophréniques dangereux pour la société sont une minorité. Seuls de rares cas donnent lieu à des accès de violence au cours d’une crise, et cette agressivité est le plus souvent tournée vers le patient lui-même.

Environ la moitié des patients souffrant de schizophrénie font au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Entre 10 et 20% en meurent, surtout dans les premières années.

Une intervention pendant la période prodromique pourrait limiter le risque de transition vers la psychose ou le risque de psychose sévère. Il est aujourd’hui démontré qu’une prise en charge adaptée et précoce limite l’entrée dans la phase chronique de la maladie et améliore les chances de rémission, permettant au jeune de reprendre ses études, son travail, sa vie. Dans tous les cas, l’évaluation et la prise en charge précoce des vulnérabilités permettent d’accroître les chances d’amélioration même si le diagnostic n’est pas certain en identifiant des leviers pour agir sur des facteurs précipitants et favoriser les facteurs protecteurs.

Il faut comprendre qu’un premier épisode psychotique n’est pas toujours une entrée dans la schizophrénie : certains jeunes évolueront vers un autre trouble (trouble bipolaire, trouble de l’usage de substances) ou pour certains, se rétabliront sans troubles chroniques.

Quelle prise en charge adaptée?

La prise en charge d’un premier épisode psychotique est globale, multidisciplinaire, articulée autour des volets médicaux, sociaux, psychologiques etc. adaptés à la multiplicité et à la diversité des symptômes, au profil de chaque patient, aux besoins d’accompagnement spécifiques à cette phase de la maladie, à la tranche d’âge, au terrain cognitif, médical et développemental, à la présence d’un abus de substance et à l’environnement.

Une hospitalisation est souvent nécessaire lors d’un premier épisode, lorsqu’il est envahissant, mais une prise en charge plus précoce pourrait éviter cela.

Un traitement médicamenteux et une réhabilitation psychosociale doivent être associés à une prise en charge active des addictions associées, qui constituent des facteurs de risque de mauvaise observance, de complications, de rechutes et d’hospitalisation. Ainsi, il est indispensable d’accompagner vers le sevrage les patients consommant le cannabis.

Notons que les antipsychotiques ont révolutionné la vie des patients. Ils atténuent ses symptômes, principalement les symptômes “positifs” et réduisent les rechutes et permettent pour certains patients une guérison fonctionnelle associée à une bonne qualité de vie.

Une approche psychosociale

Les difficultés cognitives, sociales ou la perte d’autonomie dans la vie quotidienne ont un impact important sur le processus de rétablissement (difficulté à reprendre une activité professionnelle, difficulté à vivre seul…).

Une réhabilitation psychosociale permet d’aider la personne à progresser pour atteindre ses objectifs en matière de projet de vie. Elle se fonde sur les capacités du patient et vise à les utiliser pour améliorer son quotidien. Elle comporte notamment :

Une réhabilitation (ou remédiation) cognitive, qui traite notamment les symptômes de désorganisation. Il s’agit d’une technique non médicamenteuse qui consiste à identifier les différentes composantes cognitives altérées par la maladie (troubles attentionnels, mémorisation, exécution…) et à trouver des solutions pour guérir ou contourner ces troubles, à travers des jeux de rôles, des exercices ou encore une éducation à sa propre maladie.

Elle se pratique le plus souvent sous forme d’entretiens individuels entre le patient et un professionnel de santé formé à cette thérapie (psychologue, infirmier…).

Certaines modalités de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peuvent permettre au patient de gérer ses symptômes négatifs mais aussi positifs, et l’aider à éviter l’enfermement sur lui-même et la désocialisation progressive.

Ces thérapies peuvent aborder des dimensions émotionnelles (angoisse, estime de soi, gestion du stress), sociales (hygiène de vie, motivation à entreprendre et aller vers les autres), ou encore médicales (réduction de sa consommation de substances psychogènes, éducation sur sa maladie).

Des séances de cognition sociale sur la maladie, ses symptômes, son traitement etc,  d’ergothérapie et/ou d’accompagnement sur le plan social et professionnel peuvent aussi être envisagés selon les besoins.

La psychoéducation du patient, ou éducation thérapeutique du patient (ETP), est un élément essentiel de la prise en charge, permettant à l’intéressé de mieux comprendre la maladie, ses symptômes, son traitement, sa santé en général, et l’aider à “faire avec”.

Le soutien et l’éducation de l’entourage est également essentiel pour assurer un bon engagement du patient et de sa famille.

Le programme BREF est une étape initiale dans le parcours des aidants dont le but est de renseigner les aidants sur les dispositifs existants. Le programme Profamille est précieux pour aider les parents à développer leurs connaissances et leur compréhension de la maladie et leur donner les outils pour faire face et diminuer leur fardeau.

Conseils et méthodes préventives

Il est impossible de prévenir la schizophrénie puisque sa cause demeure mal connue. En outre, cette maladie ne se guérit pas, mais l’emploi de médicaments antipsychotiques, la psychothérapie, la réadaptation et l’appui familial et des amis permettent de traiter les symptômes.

Il est très important de prendre les médicaments correctement et régulièrement, conformément aux directives du médecin. Pour les personnes atteintes de schizophrénie, il peut être difficile de prendre un médicament régulièrement, soit en raison des effets secondaires, soit à cause des symptômes de la maladie qui ne facilitent pas les choses. Si une personne a du mal à suivre son traitement, il faut qu’elle parle à son médecin pour voir ce qu’ils peuvent faire pour l’aider.

Les personnes qui sont soignées pour la schizophrénie ont besoin de plus qu’un simple traitement médicamenteux. En effet, elles ont aussi besoin de counseling, d’apprendre à s’adapter au stress de la vie quotidienne, puisque le stress peut aggraver les symptômes ou provoquer une rechute.

Les professionnels de la santé sont là pour aider la personne atteinte de schizophrénie à apprendre à s’occuper d’elle-même. Ils peuvent lui donner des conseils sur la façon d’établir de meilleures relations avec les personnes de son entourage et de conserver son emploi. Ces aptitudes doivent être apprises parce que la maladie empêche un bon nombre de ces personnes de participer à des activités qui sont normales pour les autres. La réadaptation et la psychothérapie offrent à la personne schizophrène l’aide dont elle a besoin pour apprendre à vivre de façon autonome.

Rappelons que terme schizophrénie vient du grec skhizein signifie « fendre » et  phrên signifie « esprit ».

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