Connu sous le surnom “Allouwassio”, M. Sanvee (Atavi Lionel dans la web-série Ahoé) est une référence dans les arts de scène au Togo. Il représente son pays à travers le monde et sa personnalité est une richesse à explorer.

Aujourd’hui, c’est un plaisir pour la rédaction de MyAfricaInfos de vous faire découvrir l’acteur comédien qui a joué le rôle de Atavi Lionel dans la remarquable web-série Ahoé. Tout comme Cyprien Doussi, Eli Doussi ou encore Prénam Azoti, il a répondu à nos questions.

Bonjour M. Sanvee! Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs !

Bonjour! À l’État civil, je réponds au nom de SANVEE Kokou Béno.  Allouwassio est mon nom d’artiste. Je suis marié, père de deux enfants. 

D’où vous est venu votre surnom “Allouwassio” ?

Le pseudonyme Allouwassio m’est resté après un spectacle de  théâtre ; ‘‘Trois prétendants, un mari’’ de Gustave Oyono. J’y ai joué le personnage d’un des trois prétendants. Allouwassio est le nom qu’on lance aux mariés pour leur souhaiter un heureux ménage. Depuis ce temps-là, le nom m’est resté.

Vous êtes une valeur sûre quand il s’agit de l’art théâtral. Pouvez-vous nous raconter un peu votre parcours dans le domaine des arts de scène ?

Comme bon nombre de comédiens, j’ai commencé le théâtre aux cours secondaires. «Trois prétendants un mari» est donc le premier spectacle dans lequel j’ai joué en tant qu’élève. Je disais aussi des 

Sanvee-Kokou-Beno-MyAfricaInfos
Sanvee Kokou Beno

poèmes, des contes pour animer les semaines culturelles scolaires. Nous  étions de jeunes élèves enflammés pour le théâtre et la chanson. Certains d’entre nous à l’image de Bebli Mario, Alias Koffi Otitana, auteur et  compositeur de la chanson «Doka mi wli», feu Adamayakpo Godfroid,  auteur de la chanson : «Abloni nyowu tergal nyaga nyowu tugbedje», sont  devenus de grands artistes togolais. Très jeune, j’ai donc été imprégné de cette ambiance artistique dont le parfum m’est collé jusqu’à ce jour.  

Plus tard j’ai évolué dans des troupes théâtrales privées, des troupes de quartiers jusqu’à ma sélection dans la toute première Troupe Nationale de Théâtre. Au Théâtre National, j’ai été successivement : comédien, metteur en scène, chef de division théâtre. J’ai pris ma retraite après 30 ans de service. Mais l’artiste ne va pas si vite à la retraite.

En dehors du Théâtre National, j’ai créé la compagnie ZITIC, ensuite ZITICOMANIA : compagnies des conteurs qui sont allés un peu partout, et vont de tournées en tournées à travers des festivals dans le monde. Parcours semé de quelques distinctions d’honneur.

Une formation diplomate d’Acteur-mine au Centre de formation : Carré Silvia Monfort à Paris, a été une grande ouverture, un apport essentiel à  ma carrière.

«Abloni nyowu tergal nyaga nyowu tugbedje» est même devenu un proverbe! Votre parcours est digne d’un livre. Merci d’y penser, si ce n’est pas déjà en projet! Selon vous, il y a-t-il une différence entre les prestations sur scène et les rôles d’acteurs dans le cinéma ?

Le théâtre et le cinéma sont deux mondes différents. Le théâtre se joue en un seul lieu où l’histoire, l’époque, le temp, les espaces… sont symbolisés par le décor, l’éclairage, le bruitage, les accessoires de jeu… dans ce lieu imaginaire, en une heure ou 1h30 de spectacle vivant, le comédien dans le jeu d’interprétation  du personnage, doit tout donner pour convaincre son public jusqu’au fond de la salle. Quoi qu’on dise, dans ce contexte précis, son jeu d’acteur frise un semblant de naturel. Pour moi, il doit chercher à atteindre une aisance parfaite dans les rapports avec ses partenaires de jeu, dans le parler, le regard, les gestes, les déplacements, l’adresse au public, il y a une légère forme plastique qui soutient le jeu du comédien au théâtre. 

Au cinéma où s’il le faut et c’est souvent le cas, l’acteur joue son personnage de lieu en lieu, le cinéma étant plus proche du réel, le jeu d’acteur est souvent réel à part quelques trucages.

L’acteur parle comme dans la vie, il joue comme dans la vie. Par exemple, dans une piscine, il nage réellement. Au théâtre, l’acteur  symbolise la nage. Le jeu de l’acteur au cinéma est plus détaillé, dépouillé, souvent mis en relief par la caméra.

Merci beaucoup pour ces précieuses explications. Parlant de cinéma, le Togo a fait une avancée énorme ces dernières années avec plusieurs productions cinématographiques dont celle de Yobo Studios. Quel est votre regard sur le cinéma togolais dans son état actuel ? 

Le cinéma togolais a fait une avancée énorme quand je pense au premier film du Togolais Doh Kokou Quenum apparu dans les années 72 ou 73 je ne sais plus précisément. Depuis ce temps, un grand vide s’est imposé jusqu’à ces dernières années où le cinéma togolais se réveille contre vents et marées avec force et conviction. Réaliser un film est une question de gros financements. Pour faire exister le cinéma togolais, il faut du sponsoring, des financements. Ils sont téméraires, courageux; les réalisateurs sur le terrain. La plupart du temps, le film est tourné sur fonds propres. Et combien voulez-vous qu’ils payent aux acteurs qui, au finish, sont les porteurs du message ? des miettes! Il faut les approcher pour les entendre se plaindre de leurs cachets. C’est un sacrifice énorme que les artistes, toutes  catégories confondues, font pour que le cinéma togolais puisse exister. Il  faut tout faire pour que cette avancée du cinéma togolais ne soit  pas seulement un feu d’artifice. Car si les artistes n’arrivent pas à vivre de leur art, ils se tourneront vers d’autres horizons. Pour le cachet des artistes et des techniciens, je crois qu’il faut arriver à la fixation d’un taux officiel suivant des textes juridiques comme c’est le cas dans certains pays africains. C’est-à-dire pour une  journée de tournage, l’artiste mérite tel cachet ou si c’est par séquence, il mérite tant.  

Bien évidemment, il y a du chemin à faire. Alors, pour un meilleur avenir du domaine et de ses acteurs, quelles améliorations pensez-vous qu’il est nécessaire d’apporter ? 

Pour un meilleur avenir dans ce domaine, il faut la formation des techniciens du cinéma et des acteurs comme le fait déjà Yobo Studios. Il faut sensibiliser les milieux d’affaires, trouver des  partenaires financiers. Le film doit être une industrie prometteuse. 

J’ai été agréablement surpris d’avoir vu Mme La Première Ministre du Togo inviter la productrice Mme Angela  AQUEREBURU pour discuter de la série Ahoé à la Primature. J’ai vu  tout l’intérêt que La Première Ministre a porté à l’endroit du film. Et moi je la considère déjà parmi les partenaires de la série Ahoé.

J’attends avec grand espoir la suite de cette rencontre qui est une grande première dans l’histoire de l’Art au Togo.

Nous croisons les doigts pour un meilleur devenir du cinéma togolais. Être acteur est un réel travail qui mérite une rémunération. Pourquoi avoir accepté de jouer dans la web-série Ahoé sans aucune compensation pécuniaire en retour ?

En janvier 2025, j’aurai 50 ans de carrière professionnelle dans les arts de la scène en particulier le théâtre. Je ne vis que de  cet art qui me fait voyager dans le monde. En retour, je suis payé pour mon travail. Il m’est arrivé une fois de laisser tomber un cachet dérisoire à un réalisateur. Pour moi c’était de l’insulte à l’artiste que je suis. Mais j’ai joué dans le film pour ne pas porter atteinte à la réalisation. Ce n’est pas mon genre de saboter. 

J’ai accepté de jouer gratuitement dans la série Ahoé, pour plusieurs raisons : 

– L’approche de Emmanuel de Yobo Studios dans la négociation de jouer gratuitement a été importante dans ma prise de décision. Emmanuel me dit que la production n’a pas un rond pour payer les acteurs, mais Emmanuel a le verbe qu’il faut pour me convaincre de jouer sans être payé,  et j’ai accepté de jouer sans avoir lu le scénario. C’est très important d’avoir dans ce domaine des arts, de bons négociateurs. Et je l’ai découvert en ce jeune homme :  Emmanuel que je félicite au passage. 

– La deuxième raison est que les thèmes traités sont des sujets  brûlants qui touchent la vie réelle de la société togolaise. 

– La troisième raison est que ça se joue dans notre langue  maternelle, scolarisé ou pas, tous les Togolais suivront le film dans leur langue à eux. Le mina est une langue véhiculée par les femmes commerçantes et ça se parle sur toute l’étendue du Togo, le Mina est parlé au Bénin et au Ghana. Et pour la diaspora n’en parlons pas, le sous-titrage en français et anglais ouvre un vaste horizon à la série. 

Atavi Leonel - Web-série Ahoé
Atavi Lionel – Web-série Ahoé

Nous irons donc à l’école de Monsieur Emmanuel pour apprendre l’art de convaincre ! Dites-nous, qu’est-ce qui vous a attiré et qui vous a motivé à accepter de jouer le rôle de Atavi Lionel ?

Le rôle d’Atavi Lionel révèle un tard de notre société, un secret de Polichinelle qu’on protège dans les familles car ça fait honte. J’ai accepté de jouer ce personnage pour mettre en relief ce côté néfaste qui brise les foyers dans notre société. 

Atavi Lionel est un personnage plutôt posé dans la web-série Ahoé, cependant son rôle est décrié dans l’opinion publique sur les réseaux sociaux. Quelle devrait être la réaction de Atavi Lionel face au traitement subi par Maman Charity au foyer de Cyprien ?

Atavi Lionel devrait plutôt être un réconciliateur entre son grand frère Cyprien et Maman Charity. Mais hélas, il est pris par le démon de la trahison et de la malhonnêteté. Atavi Lionel est  élégant, plein d’assurance, de réussite dans la vie. Mais c’est un personnage qui est dérangé en lui-même par cet acte ignoble qu’il a posé : prendre la femme de son grand frère qui l’a élevé,  payé ses études est une abomination. Même si c’est sa belle sœur, qui n’est pas sainte, qui l’a piégé, Atavi Lionel est impardonnable à mes yeux.

Mais dans la dramaturgie du scénario il faut de tels actes choquants pour susciter la curiosité du public qui doit se demander qu’est ce qui se passera après, comment Cyprien va-t-il réagir ? Si dans la série tout se passait sans aucun danger, sans aucun accident, le film serait sans intérêt, parce que ne relevant aucun problème. 

Voir son enfant grandir dans les bras d’un autre homme qui ne lui accorde aucune attention alors qu’on a plein d’amour à donner à cet être doit être assez pénible. Quel conseil donneriez-vous à un homme qui se retrouve dans la peau de Atavi Lionel dans la réalité ?

Dans la réalité, le conseil que je donnerai à l’homme qui se trouve dans le cas de Atavi Lionel, est de se repentir, de reconnaître son acte ignoble, irréparable. Je lui conseillerai même de fuir la famille, le pays pour aller vivre sous d’autres cieux. Car l’acte qu’il a posé peut amener son grand frère à le tuer, surtout que Cyprien est un alcoolique. On ne sait jamais la réaction d’un  alcoolique. Mais aller vivre à l’extérieur comme je le lui conseillerais, sera-t-il la solution ? Atavi Lionel aurait-il la  conscience tranquille sous d’autres Cieux ?

Des interrogations qu’on va laisser à l’appréciation de nos lecteurs! L’amertume de Atavi Lionel est si grande que la mort de Maman Charity est une double perte pour ce personnage. Il y a même eu une vidéo inédite qui a été rendue publique à la fin de la diffusion des épisodes de la web-série Ahoé. Comment avez-vous vécu le tournage de cette scène ?

Atavi Lionel, élégant qu’il est, n’a pu se contenir, il a laissé éclater sa grande douleur. Fou d’amour, il ne supporte pas la mort de Maman Charity, d’où son chant d’amertume à la fin. Pour le personnage, j’ai été inspiré par ce morceau du chanteur Togolais Dama Damawuzan. J’ai dû réajuster les paroles pour être dans la logique de la douleur de Atavi Lionel. J’ai vécu le tournage de cette scène avec beaucoup d’émotion. Il a fallu puiser les sensations au fond de moi pour atteindre l’émotion autant dans l’attitude, le regard, la voix, le déplacement…

Série AHOÉ – Scène inédite d’Atavi Lionel

Vous nous aviez donné la chair de poule avec cette séquence; mission réussie alors! Au-delà de votre participation à la série Ahoé, quel rôle a été le plus marquant depuis le début de votre carrière ?

Rôle le plus marquant depuis le début de ma carrière ? Je m’interroge. Je suis partagé entre le théâtre et le cinéma. 

– Au théâtre, c’est le rôle de Chaka dans ‘‘On joue la comédie’’ de Senouvo Agbota ZINSON, spectacle représenté au 2ème Festival Mondial des Arts Nègres au Nigéria en 1977 (Festac  77). C’était mon premier grand rôle, ma première prestation  artistique sur le plan international. Le travail sur ce personnage a été une école pour moi et sur scène le résultat a été au-delà de mes attentes. Ce rôle m’a révélé comme étant un acteur confirmé sur le plan international. 

– Au cinéma, le personnage le plus marquant est El Hadj Bilal, mon plus grand rôle. Le film est au montage et n’est pas encore sorti. Il traite du problème du mariage précoce et forcé de la jeune fille, il traite aussi le problème de l’excision de la jeune fille. Le personnage de El Hadj Bilal est pour l’instant le rôle le plus marquant dans ma carrière au cinéma. 

Et c’est certain que vous en aurez bien d’autres à venir. Quelle est votre principale source de motivation en tant qu’acteur ?

Ma principale source de motivation en tant qu’acteur me vient de ce que le public attend de moi. Ça passe ou ça casse. Mais il faut que ça passe coûte que coûte. En amont, il faut se sacrifier au travail pour se faire apprécier. Autrement, tu meurs artistiquement. J’ajouterai que ma principale source de motivation vient de l’amour que j’ai pour cet art.

Votre mot de fin ?

L’excellence du travail de l’acteur convainc le public qui gagne sa confiance. L’artiste a besoin du public pour valoriser son art. il  doit persévérer sans relâche. Le succès est au bout de l’effort.  

Interview réalisée par Essenam Kevi-Kelensi avec la collaboration de Nadège Bagna, directrice de production Ahoé.

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