Reconnaissons-le en toute honnêteté : le respect continue de déserter la plupart de nos espaces familiers. Le respect n’inspire plus nos propos. Le respect ne commande plus nos manières d’être et de nous comporter.

 

Dans ce désert de respect qui ne cesse de s’étendre, nous violons les frontières du sacré, nous attentons à la vie. Car le tout premier droit de l’homme, c’est le droit à la vie. Et qui ne respecte pas la vie, sa vie et celle des autres, insulte Dieu. “Gbè do su”. Mais revenons sur terre. Interrogeons notre quotidien. Regardons-nous dans le miroir de notre conscience. Quelques exemples pour illustrer notre propos.

Respect et environnement

De quel droit saccageons-nous la nature autour de nous ? Des forêts entières disparaissent sous l’action de prédateurs pour le gain et le profit alléchés. Des terres sont exploitées contre tout bon sens et retournées au désert. Des équilibres naturels sont rompus, chamboulant le cycle des saisons. Des émissions de gaz à effet de serre polluent, empoisonnent et tuent. Manquant ainsi gravement de respect pour notre environnement, nous cassons ce que nous n’avons pas créé. Le présent est fragilisé. L’avenir des générations montantes est compromis.

Respect de la ponctualité

Tout se fait, chez nous, sur fond de retard. Tout le monde en convient, cela ne gêne plus personne. C’est la norme. Les chefs, ceux qui sont en position de montrer la voie et de servir d’exemple ne sont jamais à l’heure. C’est la ponctualité elle-même qui paraît atypique. Grosse promotion pour le retardataire. Il est érigé en citoyen modèle, encouragé à persévérer dans l’erreur. Mais le retard a un coût. La facture annuelle estimée, pour l’administration publique, s’élève à plusieurs dizaines de milliards de nos francs.

Respect de la parole donnée et de sa signature

Le ministère de la Parole, c’est le temple de la République. On y brasse beaucoup de paroles. Des paroles qui n’engagent personne. Des paroles qui n’obligent personne. Des paroles désacralisées qui glissent comme l’eau sur les plumes d’un canard. On ment alors comme on respire. On promet tout et rien. Et de la parole banalisée à la signature trafiquée, il n’y a qu’un tout petit pas vite franchi. Puisqu’on a choisi le parti de ne rien respecter, on plonge dans le faux, on fait du faux. Pourquoi y-a-t-il tant de chèques sans provision dans nos banques ? Pourquoi la litanie de promesses de nos politiciens en campagne n’est presque jamais honorée ?

Respect de la chose publique

Plus de limite entre l’espace public et l’espace privé, entre le bien public et le bien privé, entre l’intérêt général et l’intérêt individuel. On va puiser dans l’un pour renforcer l’autre. On tarit l’un pour alimenter l’autre. On fait cracher l’un pour redorer l’autre. Dans cette confusion générale, les frontières étant abolies et les espaces étant brouillés, on évolue comme dans un système de vases communicants. L’argent de tous sert les intérêts d’un seul. Le porte-monnaie d’un seul s’engraisse de l’argent de tous. Et il se trouve que, pour comble d’ironie, le voleur passe aux yeux de plus d’un pour un héros.

Respect dû à l’âge et à nos valeurs de vie

A quoi sert-il de crier sur tous les toits que “c’est au bout de l’ancienne corde que l’on tresse la nouvelle” si des garnements peuvent se permettre, dans l’indifférence générale, d’apostropher dans la rue, ceux qui ont l’âge de leurs pères et mères d’un sonore “Papa yi gbodjè” ? Comment, pour en avoir été témoin le jour de la Toussaint, peut-on s’autoriser de marcher et de tenir commerce sur les tombes dans les cimetières ? Sommes-nous encore en Afrique où nous déclinons comme un article de foi que “Les morts ne sont pas morts” ?

Par ailleurs, n’avons-nous pas tant magnifié la femme-mère, l’éducatrice de sa société, pour que nos télévisions se permettent de l’exposer dans des postures indécentes, de l’afficher, exécutant des danses obscènes ? Oui, disons-le haut et fort, le respect fout le camp dans notre pays. A commencer par le respect dû à soi-même. Mais ne désespérons point, car rien n’est perdu. Nous pouvons aller à la reconquête de nous-mêmes. Les sages Bamiléké du Cameroun, là-dessus, nous rassurent : “Dieu ne fait qu’ébaucher l’homme, disent-ils c’est sur la terre que chacun se crée.

Jérôme Carlos

La chronique du jour

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