Béninois de 26ans, Aurel Yahouedeou est ingénieur Réseaux, Systèmes et Sécurité. Il réside actuellement à Dakar – Sénégal. Parallèlement, il fait de l’art visuel par passion pour l’esthétique des choses que l’on voit au quotidien mais, auxquelles on ne fait pas forcément attention. MyAfricaInfos vous amène à sa découverte en trois points et trois œuvres.
De passe-temps, ce qui passionne Aurel devient sa profession
« J’ai découvert l’art depuis l’école primaire, sous divers aspects (les spectacles de fin d’année, les visites de musées lors des excursions, l’histoire, les examens de dessin/peinture qui étaient des examens pour d’autres mais du divertissement pour moi, et j’en passe). Toutes ces formes d’art à l’époque me plaisaient tous mais, ne m’intéressaient pas encore. C’est au collège, plus précisément en classe de 5ème que j’ai commencé à faire de la reproduction au crayon. Quelques coups de crayons pendant les heures de pause à l’école, et même parfois des caricatures de mes professeurs en plein cours. Haha ! » nous a-t-il confié.
Vous rappelez-vous votre tout premier dessin ou l’un des tous premiers ? A quoi ressemblait-il ?
Mon tout premier dessin doit se trouver dans mes archives académiques du collège. J’avais un dossier où je les classais : mangas, portraits, bandes dessinées que je réalisais à mes heures perdues.
Je ne pourrais hélas, plus vous présenter le tout premier, mais le plus ancien de ceux que j’ai réalisés depuis que je me suis lancé sur les réseaux sociaux, oui. C’était mes débuts dans le dessin surréaliste.
A-t-il été facile au jeune élève que vous étiez, de développer ce talent fraîchement découvert considérant bien sûr, l’obligation de résultat à l’école ? Parlez-nous-en.
Honnêtement, non. La seule attente d’un parent qui paye les études de son enfant est qu’il l’encourage en obtenant, pas forcément les meilleurs, mais de bons résultats. J’en étais conscient, donc je ne donnais pas l’impression à mes parents d’accorder beaucoup d’intérêt à l’art.
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Comment en êtes-vous arrivé là malgré l’opposition des parents et votre formation académique ?
Abandonner les études au profit d’une passion peut avoir un gros impact sur notre avenir (la plupart du temps), mais l’inverse non, parce qu’on ne perd jamais un don. On peut perdre la main mais ça revient très facilement en s’exerçant une voire deux fois. J’ai su faire la part des choses au moment où ce n’était pas forcément évident d’être rationnel dans mes décisions. Aujourd’hui, je peux même affirmer que mes parents sont fiers de moi et c’est la plus belle des bénédictions.
Qu’est-ce qui fait aujourd’hui, la fierté de Aurel Yahouédéou vue sa performance artistique ?
Je suis fier de la façon dont mon travail est perçu par le monde qui me suit et au delà ; même les personnes âgées arrivent à me suivre dans mon univers et pour moi, c’est très motivant. Parallèlement, la confiance que m’accordent mes clients quand ils me confient la direction artistique de leurs projets m’encourage à me surpasser quotidiennement. Sans oublier jusqu’où mon travail m’a élevé, en faisant un clin d’œil aux célébrités que j’ai pu rencontrer grâce à cet art qui au début n’était qu’un passe-temps. Et pour finir, c’est une réelle motivation pour moi d’être soutenu par la famille dans tout ce que je fais.
Très simple mais, jamais perceptible à vue d’œil
Mon art de façon brute n’a aucune particularité car très semblable à ce que nous voyons tous les jours sur les réseaux sociaux. Je fais du dessin basique même si réaliste, comme la majorité des bons dessinateurs. Ma seule particularité est ‘’ma technique‘’ qui elle, marque une différence. J’exploite l’anamorphose qui est une très vieille technique connue des artistes anciens tels que De Vinci, Salvador Dalí ou Hans Holbein, dans le but de donner une perception tridimensionnelle de mes dessins.
Que cachez-vous derrière chacune de vos œuvres (quel type de message) ?
Les messages cachés derrières mes œuvres se rapportent essentiellement à ma vie, mes envies/besoins, mes problèmes et mes rêves. Je travaille très souvent sur les mêmes thématiques telles que l’amour, les peines, les fantasmes humains, le spirituel, tout en montrant à ma communauté les dessous des choses qui n’attirent souvent pas notre attention.
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Qu’est-ce qui vous inspire ?
Je m’inspire beaucoup de mes rêves (rêves fantastiques, improbables, cauchemars), mais aussi de mon environnement et des faits divers. J’ai parfois besoin de m’exprimer sur des sujets sur lesquels on ne nous demande pas notre opinion. En le faisant, je permets à d’autres n’étant pas artistes de se retrouver à travers le message que je passe.
Aurel Yahouedéou au-delà du 229
Les principales œuvres auxquelles je dois ma célébrité étaient celles d’une série où je mettais en scène des dessins sur feuille découpés avec des choses réelles. Ces images en avaient intrigué plus d’un, alors que je ne recherchais nullement de la célébrité et que je ne faisais que m’amuser.
Très vite elles ont été prises et relayées sur plusieurs comptes communautaires sur les réseaux sociaux, et à ce moment j’ai compris qu’il fallait redoubler d’effort et travailler sérieusement l’art du dessin surréaliste ou de l’illusion d’optique.
Partant de cette expérience réussie, faites-nous un bref bilan de votre parcours professionnel (expositions et collaborations).
J’ai actuellement trois expositions officielles à mon actif de 2018 à 2020 :
• Off de la Biennale d’art de Dakar en 2018 (Collective avec Yanick Folly) ;
- Exposition sur le Dahomey en 2019 à Cotonou (Individuelle) ;
- Exposition sur la spiritualité vaudou à Paris (Collective avec RafiyOkefolahan et Egzo).
Et, en ce qui concerne les collaborations, j’ai travaillé sur pas mal de projets qui sont en train de se concrétiser progressivement. J’ai également travaillé sur des covers d’album ou singles. Par exemple Franglish sur son album « Signature » en 2017, ou Djamile MG sur son album « Na Yi Noukon » en 2019, et j’en passe.
Quel est votre plus grand rêve ?
Mon plus grand rêve serait pour l’heure, de sortir un peu du monde du show business musical pour toucher le monde du sport également. Réaliser si possible des expositions hors de l’Afrique et gagner assez de fonds pour les investir dans un projet dans mon pays.
Parmi ses nombreuses œuvres, Aurel YAHOUEDEOU porte son choix sur trois qu’il nous présente. Il s’agit de Réunion, Peinture digitale réalisée en 2017, du dessin-photographie Eva fait en 2016 et de Behanzin réalisé en 2019.
Réunion, 2017, Peinture digitale.
On pourrait lui donner plusieurs interprétations.
Dans la série de mon exposition Danxomɛ 2.0 au Bénin, elle racontait la façon dont se déroule un conseil des sages dans un Danxômè imaginaire où le jury se tient en hauteur (ciel), et où les jugés se tiennent en profondeur (sous l’eau) et qu’une fois qu’ils sont jugés et libérés, peuvent ensuite émerger.
Quand un béninois voit cette œuvre et lit son titre, elle peut lui faire penser à une réunion nocturne spirituelle de sorciers également. Mais au-delà de la forme, le fond lui parle d’une synchronisation des âmes, d’une connexion au même rang des êtres humains et d’un rêve de démocratie visant à décider ensemble. L’objectif étant d’apaiser et de se s’évader.
Eva, 2016, Technique mixte de Body painting, Dessin et PhotographieCeci dévoile tout simplement la beauté de la femme à travers quelques coups de pinceau.
Behanzin 2.0, 2019, Dessin tridimensionnel découpé et mis en scène. Une façon à moi de ressusciter une figure historique du Bénin en l’imaginant dans le monde moderne et connecté dans lequel nous sommes aujourd’hui.
On y voit un Roi Behanzin se prenant en Selfie avec un smartphone auquel j’ai attribué le nom de Fâ Phone – Téléphone du Fâ (Oracle dans la religion Vodun).