Faut-il en rire ? Faut-il en pleurer ? Faut-il y voir des produits originaux à forte attractivité touristique ? Faut-il tout simplement conclure à notre désordre habituel, jouant à merveille sur les registres de l’insolite et du bizarre ?

Impressionnant ce que la rue peut nous donner à voir et à vivre. La rue s’offre ainsi comme un grand théâtre en animation permanente. Avec des acteurs et des personnages de tous genres. Pour vous, nous avons regardé la rue. Nous y avons vu ce que vous ne voyez plus, la force de l’habitude aidant. Voici venue l’heure d’ouvrir les yeux et de réfléchir. Trois exemples pour ce faire.

Six personnes sur une moto à deux roues.

C’est une famille entière qui bouge, liant son sort à celui du conducteur d’un taxi-moto. Papa, maman et leurs rejetons remettent ainsi leur vie dans les mains d’un “Zem”. Lequel ne pense qu’à rentabiliser sa course, le tarif habituel étant multiplié par trois ou par quatre. Une famille prie Dieu et sollicite son aide pour arriver à bon port. Mais à quel prix ? Spectacle surréaliste pour une prise de risque maximale. Ce sont des êtres humains qui sont en situation. L’argent peut-il justifier une telle folie ? L’argent peut-il autoriser des comportements aussi irresponsables ? “La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie”; a dit André Malraux. Et puis, on le sait, on peut se donner la mort, mais on ne peut se donner la vie. Il est ainsi des valeurs à placer au-dessus de tout et auquel on doit tenir comme à la prunelle de ses yeux.

Le plus grand super marché de carburant à ciel ouvert

C’est au Bénin que vous le trouvez. Il s’étend le long des rues. Il s’anime de jour comme de nuit. Le soleil ne se couche jamais sur la vente informelle du carburant de contrebande. Une vente faite au vu et au su de tous. Une vente qui s’ordonne comme une manière de légaliser l’illégal, de normaliser l’anormal. Et les clients qui se précipitent aux portes de ce super marché sont des plus divers. Ils se distinguent par la cylindrée de leurs véhicules. Par la couleur des plaques d’immatriculation. Par l’appartenance sociale sur la palette allant des “en bas de en bas”, passant par les “en bas de en haut”, jusqu’aux “en haut de en haut”. Le super marché de carburant à ciel ouvert rassemble, en les confondant, toutes les composantes de notre société.

Alors question. En quoi le carburant de contrebande peut-il, économiquement parlant, participer ou contribuer au développement d’un pays ? Nous tenons pour un article de foi qu’aucun pays au monde ne peut durablement se développer par la contrebande, synonyme de faux et d’usage de faux. C’est vrai qu’entre le prix du carburant à la pompe et celui proposé par les super marchés à ciel ouvert, c’est le jour et la nuit. Il faut préférer au laisser faire et au laisser aller actuel une politique nouvelle, courageuse et ambitieuse de distribution du carburant dans notre pays. Cela appelle une réflexion stratégique autour du carburant. Une réflexion qui interpelle nos sources de ravitaillement. Une réflexion qui revisite notre coopération avec le Nigeria en matière énergétique. Une réflexion qui projette des plans de reconversion professionnelle ou de réinsertion sociale au profit des moyens et petits distributeurs. Une réflexion, enfin, qui aide à garantir au consommateur béninois des prix avantageux.

Des rues transformées en salles de fête

L'”ago”ou la fête à tout crin et à tout casser, ça nous connaît. Une ville entière, le week-end venu, se transforme ainsi, à travers ses rues, en une suite de salles ouvertes, de places et d’esplanades de fêtes. De l’argent qui aurait pu servir à mieux s’en va en fumée. La propension à manger et à boire sans modération soumet les organismes à rude épreuve. Les espaces volés aux citoyens par l’occupation des rues pénalisent le développement. Qu’on se comprenne bien. Personne n’est contre le “ago”.Personne n’est allergique à la fête. Mais tout le monde doit s’accorder pour dire non aux fêtes ruineuses, aux fêtes source de tant de désordre, aux fêtes qui ne développent pas. Et si nous innovions. Qu’il suffise que nous ajoutions au calendrier une nouvelle fête, à l’image, par exemple, de la fête du travail. Lançons alors la fête du développement.

Jérôme Carlos

La chronique du 10 novembre 2016

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