Au cours du sommet qui a réunis les chefs d’état de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest samedi dernier à Accra, la capitale du Ghana, ces derniers se sont mis d’accord pour le lancement de leur monnaie commune “ECO” en 2027 après avoir été suspendu en raison de la COVID-19.
Depuis 2020, le processus de lancement de l’éco est à l’arrêt. En raison de la pandémie de Covid-19, les pays membres de la Cédéao avaient suspendu leur pacte de convergence monétaire.
” Nous avons une nouvelle feuille de route et un nouveau pacte de convergence qui couvrira la période entre 2022 et 2026, et 2027 sera l’année de lancement de l’Éco” , a annoncé Jean-Claude Kassi Brou, le président de la Commission de la Cédéao.
“À cette date, les économies se seront suffisamment rapprochées pour permettre l’adoption de l’eco.” a-t-il ajouté.
Par ailleurs, il existe d’autres raisons qui font obstacle à la création de l’éco.
Pour l’économiste ivoirien, Séraphin Prao, il y a “un manque de cohérence au sein de la Cédéao composée de huit monnaies. Ces pays, n’arrivent pas à s’accorder fondamentalement sur la nécessité d’y aller ou pas”.
Autre grief avancé par l’économiste, le “sabotage” orchestré par Emmanuel Macron. ” Le 21 décembre 2019, en visite en Côte d’Ivoire, il a saboté le projet originel pensé et mûri par ses pères fondateurs depuis 1983. Cela a créé un certain désordre. Le Ghana et le Nigeria ont manifesté vigoureusement l’immixtion de la France dans ce projet “.
La convergence des économies est également un obstacle de plus. ” Les pays n’ont pas réussi à assurer les critères de convergence. Dans le cadre d’une monnaie unique, ce sont les économies qui se ressemblent qui s’assemblent. Nous avons édicté des critères de convergence et il faut que ces critères soient respectés au niveau de la dette et de l’inflation”, a expliqué l’économiste.
Ce dernier a de plus affirmé qu’ilfaut résoudre le problème de la zone UEMOA avec la France. “La France ne veut pas que nous allions à cette monnaie unique. Nous avons besoin d’une rupture totale avec la France”; a-t-il souligné.
Notons que ce nouveau calendrier, le quatrième déjà annoncé par la Cédéao, peut sembler très serré.
Selon l’économiste sénégalais Moubarack Lô, il parait difficile de faire converger un pays comme le Nigéria et ses 10% d’inflation avec ceux de la zone UEMOA, l’union économique et monétaire ouest-africaine, l’actuelle zone franc, où l’inflation est sous la barre des 2 %.
De plus, les intérêts économiques divergents entre les pays producteurs de pétrole d’une part et d’autre part, les pays importateurs doivent être conciliés. Ce qui, là encore, peut prendre du temps. Pour l’économiste, si les responsables politiques sont dans leur rôle en présentant une feuille de route, ce sera finalement l’économie réelle qui décidera de l’avenir de la monnaie commune.
«On peut pas ne pas fixer de dates. Les banquiers centraux, les ministres de l’Economie et Finances ne vont jamais conseiller à leurs chefs d’Etat d’avancer si on n’est pas assuré d’être vraiment prêt. Et aujourd’hui, manifestement, on n’est pas prêt et rien n’indique dans l’horizon à venir qu’on sera prêt. Parce-qu’ aujourd’hui il y a des grands différentiels en termes d’inflation.” a affirmé Moubarack Lô, économiste et président de l’institut “Emergence Sénégal”
En attendant, les pays de l’actuelle zone franc doivent de leur côté parachever les réformes entreprises en décembre 2019 avec la signature d’un nouveau traité monétaire avec Paris. Les parlements nationaux des huit pays vont devoir ratifier le texte et examiner des questions fondamentales, comme le taux de change de leur monnaie commune et le lien de garantie proposé par Paris. Un fort courant souverainiste au sein de l’UEMOA plaide pour une émancipation totale.
En outre, la situation au Mali a également été mise sur le tapis au cours de cette rencontre.
Malgré quelques évolutions positives, le pays reste suspendu de la CEDEAO depuis le coup de force du colonel Assimi Goita, le 24 mai dernier. Ce dernier s’est engagé à organiser des élections présidentielles et législatives en 2022. Mais pour les pays membres, le Mali a encore des progrès à faire pour réintégrer l’organisation ouest-africaine.
L’éco est devenue un serpent de mer monétaire dont on parle il y a plus de trente ans, depuis que l’idée a été lancée en 1983.
Le nouveau nom du franc CFA “ECO” jusqu’ici était la monnaie utilisée par 14 pays africains. Mais avec la réforme du franc CFA annoncée en 2019, huit pays d’Afrique de l’Ouest utiliseront désormais cette nouvelle monnaie. Les autres continueront à utiliser le franc CFA comme tel.