Dans un monde où les NTIC font partie intégrante du quotidien de tous, un genre de métier se crée pour répondre à l’importante demande des services d’entretien et de maintenance des smartphones. D’où naissent des consultants, techniciens et experts WhatsApp.

Quelques années plus tôt, comparativement aux voisins de la sous-région, le Togo était l’exemple parfait pour illustrer ce qu’est la cherté de la communication téléphonique. Vous vous dites peut-être « était ? Le Togo l’est toujours !» ; cette discussion on pourra la faire une autre fois.

Ces années ont été caractérisées par des attitudes nées du désir ardent de creuser profondément et puiser tout le jus de créativité dont l’on disposait afin de survivre dans un environnement où communiquer, via appels téléphoniques, était chose de luxe. Ces attitudes qui sont, entre autres, des bips excessifs ou encore ceux associés systématiquement à des significations—par exemple un bip pour signifier ‟je suis prêt à partir“, deux pour dire, ‟je suis sur le lieu“ etc.—étaient devenues une coutume voire une compétence dont on pouvait se vanter en se comparant aux autres « Oh ! Mon ami, tu ne sais pas bien biper inh ! Tes bips sont trop longs ».

Aussi drôle que cela puisse paraître pour des lecteurs qui n’ont pas vécu l’expérience, telle était vraiment la triste réalité qui doit certainement susciter aujourd’hui de la nostalgie chez ceux qui en savent quelque chose.

C’était l’époque où particulièrement les jeunes se contentaient de la messagerie qui n’était pas non plus, du point de vue financier, un jeu d’enfant. Là, il fallait s’appliquer, appliquer son intelligence et sa ruse pour compresser de longues phrases dans un nombre limité de caractère en se servant inévitablement des abréviations, parce que les pages étaient comptées. Oui ! les mêmes abréviations qui sont aujourd’hui à la base d’un problème et d’une crise nationale que les enseignants ressentent le plus en corrigeant des copies et que certaines personnes qui en ont horreur doivent surmonter en interagissant par écrit avec d’autres.

Tous ces temps passés—à invectiver lorsqu’on se sentait dépité par le fait qu’un ami ait décroché son appel qui était censé être un bip, et que conséquemment l’opérateur ait prélevé le tarif d’un appel de 30 secondes alors qu’on ne prévoyait pas recharger son compte de sitôt—étaient vide d’espoir qu’un changement positif allait survenir dans un avenir proche. Ainsi, outre le lamento traditionnel, le consommateur ordinaire ne pouvait que s’accrocher à l’attente impatiente de jouir des promotions de réduction de tarif les dimanches et jours fériés ou de certains packs souvent offerts aux jeunes obsédés par la messagerie.

Inès A-g, la vingtaine, étudiante en fin de cursus en a encore bonne mémoire : « Je me rappelle avoir été initialement abonnée Moov. J’ai profité de l’offre Moov complice et des avantages qui en découlaient sur une durée de 6 mois environs avant de me tourner vers Togocel. Là, j’anticipais beaucoup les jours où les bonus de 50% étaient offerts sur les rechargements et les messages étaient facturés à 10 francs ».

Marilyse Kodjo, la vingtaine et étudiante également renchérit dans la même optique qu’Inès : « Avec Moov, précisément le profil Moov ’in j’utilisais l’offre cumulable de 50 SMS à 150 francs. Encore plus excitants étaient les appels à un coût relativement insignifiant de 23 heures à 5 heures et il fallait donc rester éveillée pour discuter longtemps ».

« On allait même jusqu’à acheter des cartes Sim Moov aux filles histoire de faciliter la conversation. L’application Binu que peu connaissaient était une alternative efficace pour les messages » a laissé entendre un jeune anonyme qui maitrisait bien toutes les offres.

Puis de nulle part, arriva le messie. La fameuse application de messagerie WhatsApp.

Evitons le débat inutile sur l’année spécifique au cours de laquelle WhatsApp a connu son ‟boom“ à Lomé, c’est à dire l’année où elle a été découverte par la grande masse. Abstenons-nous d’en parler, mais soyons tout de même d’accord que la chronologie n’a pas été forcément conforme à ce qui se passait à l’échelle mondiale.

Enfin, arrivait donc une solution éternellement attendue. La chance de parler aussi longtemps que l’on voudrait et pouvait à un ami, la famille ou encore à un client qui à son tour a tout le temps de répondre avec une quiétude absolue et avec assurance qu’il n’y aura pas à payer gros à la fin de la conversation ; et bien sûr, de profiter de toutes les autres possibilités offertes par WhatsApp.

Quand un tel trésor se présente avec des avantages sans précédents, personne ne voudra être du reste, y compris tant ceux qui sont nés bien avant l’ère de la technologie que les personnes moins instruites.

Parmi ce groupe de personnes, beaucoup trouvent certaines activités associées à l’utilisation des smartphones hors de leur portée quoique celles-ci soient plutôt basiques et simples. Naturellement, ils sont contraints de se tourner vers d’autres pour activer un forfait internet, télécharger une application, faire une simple mise à jour, activer ou désactiver leur connexion internet entre autres.

Dans un monde capitaliste, dans une société où la vie est dure et presque plus rien ne se fait gratuitement, une industrie se créée donc pour répondre à l’importante demande des services d’entretien et de maintenance des smartphones. D’où naissent des consultants, techniciens et experts WhatsApp, pour sonner un peu sarcastique.

J’aurais dit que le rédacteur de cet article, si je ne l’étais pas, exagère ou invente des histoires. Je n’avais jamais imaginé que c’était aussi sérieux jusqu’à ce qu’un jour, alors que je discutais avec un ami devant un cyber café à Tokoin Ramco un quartier de Lomé, j’assiste à la conversation suivante en éwé :

Client: Bonsoir!

Gérant du cyber (‘’technicien WhatsApp’’) : Oui, bonsoir Fofo (frère en éwé)

Client : Je n’arrive plus à communiquer avec mon WhatsApp, quand j’essaie d’y avoir accès, le téléphone affiche ceci (en pointant du doigt son écran), je ne comprends pas.

Gérant du cyber : Ah okay. Je comprends ce qui se passe. Vous devez faire une mise à jour, votre WhatsApp est vieux, il faut le remplacer

Client : Vous pouvez faire ça ? Ça me coûtera combien ?

Gérant du cyber : On devra d’abord activer un forfait internet, mais je pourrai utiliser mon Wifi ici, je taxe 500 francs pour l’internet, puis s’ensuivra la mise à jour même, dont le coût de la main d’œuvre est fixé à 500 francs. Bref, vous allez devoir dépenser 1000 francs.

Client : Oh fofo ! Je n’ai pas ces moyens actuellement, réduisez le tarif s’il vous plait.

Gérant du cyber : Désolé je vous ai donné et expliqué les détails, je ne peux rien, c’est comme ça. 

Client : D’accord, merci. Pour le moment je n’ai pas les moyens. Peut-être une autre fois.

 

Un sentiment d’amusement et de pitié m’anima quand le client tourna son dos à l’entrée du cyber et s’en alla. J’exprimai mon choc à mon ami qui me rassura qu’il en ait vu de ces cas tellement de fois que cela ne le surprend plus.

Alors que les ‘’techniciens WhatsApp’’ se permettent d’arnaquer les novices en matière de technologie, tout le monde devrait se transformer en sentinelle pour ces personnes.

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