L’Afrique est un continent où chaque aspect de la vie est soutenu par une parole, un proverbe. L’Ivoirien Moussa COULIBALY a pensé à la valorisation des proverbes africains et cela dure depuis 8 ans déjà !
Présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plaît !
Je suis Moussa COULIBALY, je vis à Abidjan en Côte d’Ivoire. Je suis entrepreneur, logisticien, parémiologue, auteur et Directeur Fondateur de la page LES PROVERBES AFRICAINS.
L’Afrique et les proverbes c’est une histoire d’Amour très fort. Malheureusement la jeune génération semble ne pas savoir grand-chose des proverbes africains. On aime plus les citations des autres continents. Quel est votre avis sur un tel constat ?
À mon avis, le problème avec la nouvelle génération est surtout le mauvais emploi des proverbes. Souvent elle ne sait pas à quel moment ou dans quel contexte employer un proverbe.
En outre, il y a la rareté des livres sur les proverbes africains dans les librairies africaines. J’ai visité plusieurs fois la librairie de France du Plateau (Abidjan) et imaginez-vous aucun livre sur les livres sur les proverbes africains n’y est disponible. La jeunesse africaine s’intéresse beaucoup aux proverbes africains car ils comportent de belles images qui plaisent à tout le monde même les occidentaux. Et je vous informe que les missionnaires catholiques sont les premiers auteurs des œuvres où les proverbes africains sont répertoriés car ils ont été éblouis par la beauté linguistique de nos proverbes. Il est temps qu’on vulgarise les proverbes africains et c’est notre véritable objectif.
Si les autres peuples s’intéressent à nos proverbes, il est temps que nous-mêmes nous nous l’approprions. Il y a 8 ans, vous avez lancé le projet de la valorisation des proverbes africains. D’abord, dites-nous la motivation qui a déclenché la mise sur pied d’un tel projet !
L’idée créatrice m’est venue d’une introspection. Je me suis posé la question un jour de savoir : Comment pourrais-je aider l’Afrique à se développer ? Car j’ai eu toujours la ferme conviction que l’Afrique ne pourra jamais être indépendante et prospère tant qu’on fera fi de nos traditions, nos cultures et de nos religions. Cette thèse m’est venue du proverbe Bambara suivant : “Soo don, yiri don, Yèrè don dé gnogòn té“, ce proverbe signifie que quelle que soit notre connaissance sur les animaux, quelle que soit notre connaissance sur la nature : la meilleure connaissance est là connaissance de soi.
La connaissance de soi (Yèrè don) c’est vivre selon les principes de nos ancêtres et ne pas les trahir. Imaginez-vous un instant que vous êtes le fils d’un grand roi dans votre village et vous êtes un grand bandit en ville. On voit clairement que le fils brise la chaîne qui le lie à ses ancêtres car le noble (roi) ne vole pas.
Le Yèrè don (Connaissance de soi) c’est de savoir d’où nous venons, qui nous sommes et où nous allons et il est aussi apparenté au Sankofa du peuple Akan. En clair, ma passion pour la culture africaine m’a conduit aux proverbes.
8 ans dans la vie d’un projet ce sont des années d’expériences enrichissantes. Qu’est-ce qui a marqué votre parcours avec Les Proverbes Africains ?
Mon parcours est tout d’abord marqué par la rencontre du professeur et documentaliste belge Jean Marie Dumortier. Il fait partie de l’équipe des PROVERBES AFRICAINS depuis les premières heures de sa création et ensemble nous formons une belle équipe qui travaille avec hargne depuis de longues années.
L’étude des proverbes m’a permis de connaître la vie de beaucoup de peuples africains, leurs cultures, leurs organisation sociales etc.
Au fil de ces 8 ans, j’ai eu beaucoup de contacts qui vivent de partout le monde avec qui nous collaborons et échangeons en vue de partager nos idées communes. Parmi ses contacts, il y a des étudiants, des chefs d’entreprise, des coachs, des formateurs, des professeurs d’université, des promoteurs culturels, des auteurs et écrivains …
Votre détermination est à admirer et encourager. Toutefois, aucune activité n’est sans embûche. Dites-nous, quelles ont été vos principales difficultés et comment êtes-vous arrivé à les surmonter
Laplus grande difficulté est le financement, peu importe la qualité des idées que vous emmagasinez. Si vous n’avez pas de soutien, il est difficiledemener àbienun projet.
D’ailleurs, c’est nous même qui investissons nos fonds propres afin de pouvoir parvenir à réaliser certaines activités. Par exemple, pour le lancement des livres c’est de l’auto-financement, nous avons approché des partenaires mais pour l’instant rien a été ficelé.
On tient le cap car chaque jour nous recevons des mots d’encouragements pour la qualité du contenu que nous diffusons sur notre page Facebook.
Et je peux vous rassurer que notre page LES PROVERBES AFRICAINS demeure pour l’instant l’une des pages les plus actives en ce qui concerne la promotion des proverbes. Nous comptons environ 40 000 abonnés c’est énorme pour une page culturelle.
Quel est l’élément qui vous permet véritablement de maintenir ce projet ?
C’est surtout la passion et l’amour que j’ai pournos valeurs ancestrales. Il y a un proverbe Bambara qui : “tout ce qu’on fait par amour ne vieillit jamais”. Pour vous signifier qu’on ne lasse jamais de ce qu’on affectionne le plus dans la vie. Ce projet vit grâce à notre volonté et aussi nous voulons démontrer aux yeux du monde que l’Afrique a les meilleures valeurs morales.
L’Afrique semble-t-elle aujourd’hui plus réceptive à la valorisation des proverbes africains ?
Effectivement, depuis quelques années l’enseignement des proverbes africains a été introduit dans plusieurs universités africaines. Par exemple en Côte d’Ivoire, ce travail a été possible grâce aux efforts du Professeur Titulaire de Traditions, Littératures Orales et Parémiologie (Lettres Modernes) YAO KOUADIO JÉRÔME. Il faut dire que les africains portent un vrai intérêt à tout ce qui concerne les proverbes africains.
Je vais étayer ma thèse de manière très pratique. Le film “Le Crocodile du Botswanga” réalisé par Lionel Steketee et Fabrice Éboué ont eu un véritable succès et un engouement grâce aux proverbes botswangais employés par le capitaine Bobo Babimbi.
En outre, nous avons la série Cacao d’Alex Ogou où M. Ayité nous fascine par l’emploi de ses proverbes africains.
Au niveau musical, les grandes vedettes de la musique africaine utilisent les proverbes africaines dans leurs œuvres.Nous pouvons citer entre autres : Alpha Blondy, Magic system,Chantal Taiba, Koffi Olomidé , Fally Ipupa…
Et à l’heure où je parle, la chanson en vogue en Côte d’Ivoire est du groupe Zouglou VDA qui captive les mélomanes avec le proverbe argotique suivant : ” Tu chantes bien mais tu ne chantes fort”.
De ce qui précède, nous constatons que chacun s’y met et essaie de faire sa part pour la valorisation des proverbes africains et c’est déjà une grande victoire.
Vous êtes un des partenaires fidèles à la Fondation SENAKPON. Vous avez participé à plusieurs salons qu’elle a organisé. Que retenez de ces années de collaboration ?
La Fondation SENAKPON n’est pas seulement un partenaire c’est aussi une deuxième famille. Nous partageons la même vision qui est d’enseigner, former et éduquer à travers nos valeurs endogènes.
Je suis indissociable des activités de la Fondation Senakpon car je suis engagé et dévoué pour tout ce qui unit les acteurs et les institutions qui peuvent contribuer au développement de l’Afrique.
En effet, je fais partie des 14 coachs et formateurs qui ont co- écrit le livre “Rhapsody des proverbes africains” lancé lors du Salon International des Proverbes et sagesses africains (SIPSA 2019) à Abidjan.
En plus, la Fondation m’a nommé membre du comité d’organisation du prochain SIPSA 2020 qui devrait se dérouler à Cotonou (Bénin).
8 ans de parcours dans la vie d’un projet, c’est énorme. Mais ce n’est pas fini ! Quels sont vos plans pour l’avenir pour Les Proverbes Africains ?
Nous avons plusieurs projets que nous sommes en train de préparer avec soin.
IL y’a la parution d’un livre sur les métaphores animalières dans les proverbes africains d’ici fin novembre. Ce livre a une particularité car les proverbes y sont rangés en tenant compte de la classification phylogénétique simplifiée des animaux. C’est un livre qui contient beaucoup d’enseignements. D’autres livres suivront celui-ci.
En outre, il y’a la mise en place d’un site web ouvert au grand public qui est en cours de construction. Nous avons prévu des rencontres d’échanges avec les élèves et les étudiants afin de parler de l’importance des proverbes africains et de ses fonctions dans notre société moderne.
Enfin, nous voulons organiser une Journée Nationale des Proverbes Ivoiriens qui permettra de découvrir les proverbes dans toutes ses dimensions (conférences, contes, théâtres, chants…).
Dans nos échanges vous avez parlé de la mise en place d’un site web ouvert au public… De quoi s’agit-il et comment les utilisateurs auront-ils accès à cela ?
Avant de répondre à votre question, j’aimerais faire un petit exercice avec les lecteurs de myafricainfos.com. Allez dans la barre de recherche Google et taper << les proverbes africains >>, vous constaterez que les sites web auxquels vous êtes redirigés sont des sites français. C’est un constat amer de savoir que nos patrimoines culturels africains soient hébergés sur des pages étrangères. Il faut que les Africains sachent tant qu’ils ne travailleront pas pour rester maîtres d’eux-mêmes, ils se sentiront toujours dominés. C’est pourquoi, nous allons utiliser tous les moyens de référencements pour que notre site web soit la première adresse proposée par les moteurs de recherches quand il s’agira des proverbes africains.
En outre, Nous allons procéder à une meilleure classification thématique des proverbes africains et de leurs transcriptions dans les langues d’origine afin de promouvoir le travail remarquable des linguistes africains. Sur note page web il aura également une bibliothèque en ligne qui mettra à la disposition du public : des livres, des articles et des thèses d’étudiants sur divers sujets africains comme la spiritualité, la philosophie, l’anthropologie, la linguistique et évidemment les proverbes.
Mon souhait est de rendre tous les services du site web gratuits au grand public dès qu’on aura le financement nécessaire.
Si vous devez lancer un appel aux Africains, quel serait votre message ?
Je voudrais dire aux Africains que celui qui refuse d’être soi-même, finit par devenir quelqu’un d’autre. Quand on rejette ses propre cultures et traditions, on finit par épouser celles des autres. Toutefois, il y’a Proverbe Burkinabé qui nous prévient : « Celui qui dort sur la natte d’autrui, dort par terre !» J’aimerais les inviter à nous soutenir pour qu’ensemble nous puissions faire avancer l’Afrique.
Votre mot pour conclure cette interview ?
J’aimerais dire merci au site myafricainfos.com qui fait un travail remarquable en ce qui concerne l’actualité du continent africain et de la Diaspora. Et je souhaite dire à tous les Africains de nous soutenir dans la valorisation des proverbes africains car le combat que nous menons, nous le faisons en vue de promouvoir nos valeurs ancestrales. Je vous remercie.
Vous pouvez suivre Les Proverbes Africains sur Facebook !
Interview réalisée par Essenam K²
