La honte de l’Homme à la peau noire paraît ancrée dans l’histoire depuis la période de l’esclavage. La hiérarchie des teints est aujourd’hui une sorte de vérité universelle comme si de tout temps et en tout lieu, l’être humain à peau foncée avait un statut inférieur à celui de son homologue clair. Une illusion dans laquelle baignent les adeptes de la dépigmentation.
Comprenons tout d’abord ce que traduit le terme “Illusion” ! Selon les grands philosophes comme Platon, « l’illusion est une perception erronée, qui peut avoir pour cause une apparence trompeuse ». Pour Descartes, l’autre cause serait “une erreur de nos sens ou une mauvaise interprétation de nos perceptions sensorielles”. Et Freud pour sa part pense que “l’illusion est le fait de croire en la réalité de nos désirs”. Pour ce faire, s’il existe une illusion autour de la dépigmentation, un phénomène qui mine nos sociétés actuelles, nous pouvons mieux comprendre Nietzsche à travers cette pensée : « La vie n’est désormais plus conçue par la morale : elle veut l’illusion, elle vit d’illusion. » Quelle serait donc l’illusion autour du blanchiment de la peau ?
Les croyances et idées reçues
Selon la croyance populaire, les femmes qui ont la peau claire sont attrayantes ! Dans certaines communautés les gens pensent que les chances de se marier et d’appartenir à une caste supérieure, avec les avantages économiques sociaux qui en découlent, sont renforcées par une peau claire.
Ainsi, tous les continents sont concernés par le phénomène de dépigmentation que ce soit au Moyen-Orient, en Afrique, dans les Caraïbes, en Asie, en Europe, ou en Amérique.
En Afrique, le teint clair est considéré comme un critère de beauté et le signe d’une certaine aisance sociale. C’est pourquoi de nombreuses femmes noires cherchent à se dépigmenter. Le phénomène a pris une ampleur considérable de nos jours. Ainsi, des femmes analphabètes à celles lettrées, toutes semblent ne pas pouvoir résister au désir de changer la couleur de leur peau.
Complexe d’infériorité, effet de mode, choix esthétique, quelle que soit la justification, la dépigmentation reste un phénomène de société difficile à extirper du subconscient des femmes. Résultat, la dépigmentation est transformée en une obligation et fait objet de concurrence chez les femmes et surtout les jeunes filles des grandes villes.
Chez d’autres, la pratique est liée à la pensée selon laquelle seules les femmes au teint clair ont de la valeur. On s’échine alors à se procurer les produits à cette fin dans l’ignorance de ces effets.
Certains le font juste par plaisir, d’autres se disent artistes et se lancent dans la pratique comme si une enseigne a indiqué que l’homme au teint noir n’est pas capable de trouver l’inspiration nécessaire pour chanter une chanson pleine de messages objectifs et utiles à la société.
La dépigmentation se généralise de nos jours et se pratique par les femmes en majorité mais aussi par les hommes qui ignorent ses conséquences qui sont silencieusement fâcheuses.
Il faut souligner que la dépigmentation volontaire en tant que phénomène de société massif, s’est développée depuis la fin des années 60. Elle repose techniquement sur des produits capables d’inhiber efficacement l’activité des mélanocytes, cellules qui synthétisent et distribuent dans l’épiderme le pigment marron responsable de son caractère plus ou moins foncé.
Beauté et séduction
Les motivations avancées par les adeptes de la dépigmentation volontaire se réfèrent habituellement à la beauté et à la séduction. Les femmes faisant porter aux hommes, jugés amateurs de compagnes à peau claire, une bonne part de responsabilité dans leur choix de se dépigmenter.
Il existe des thèmes annexes d’importance secondaire notamment, luminosité, pureté, propreté etc…
En ce qui concerne la question de l’uniformité, elle occupe une place à part. Il s’agit d’une préoccupation esthétique constante et légitime, mais sans cesse déçue, car toutes les lésions et les moindres inflammations se traduisent par des taches sur peau foncée.
L’effacement des taches, très difficile, est peut-être un motif marginal de dépigmentation volontaire et c’est parfois un prétexte pour la commencer et une raison trompeuse pour la poursuivre lorsque surviennent les premières complications.
Notons que, la dépigmentation n’est pas une pratique secrète, mais c’est une pratique dont les adeptes parlent librement à ceux qui s’y connaissent, qui apprécient et devant qui elles peuvent se montrer fières d’un teint clair acquis à force de dépenses et d’efforts. Les adeptes entre elles s’échangent des recettes, et se font des compliments.
La peau noire, une honte pour d’autres
Vis-à-vis de la permanence de la honte de la peau noire, qui d’après l’histoire fait allusion à l’esclavage, la dépigmentation volontaire représente le passage d’une position passive, où la couleur foncée de la peau est subie, à une position active où l’effacement du pigment permet d’échapper à la fatalité au prix d’une culpabilisation plus ou moins marquée.
Le risque est celui d’un retour de la honte, sous forme d’une double peine. Si le sujet interrompt sa pratique, il reprendrait alors en quelques semaines une couleur très foncée, souvent décrite même comme plus foncée qu’avant cette pratique. Ceci aurait pour effet de le plonger dans la culpabilité de s’être dépigmenté aux yeux de ceux qui sont contre ce phénomène. Toutefois, en ayant le teint clair (issu de la dépigmentation), le concerné pouvait laisser planer un doute, voire s’illusionner lui-même, sur la clarté naturelle de son teint.
Ce scénario parfaitement connu et redouté des personnes qui s’adonnent à la dépigmentation contribue à leur rendre difficile l’abandon de cette pratique et renforce son aspect addictif.
Il faut y ajouter qu’un changement de couleur rapide et massif est extrêmement déconcertant pour le sujet comme pour son entourage, indépendamment de tout jugement illustrant la place qu’occupe l’appréciation de la teinte de la peau dans notre perception d’autrui et de nous-mêmes.
Partout dans le monde, des initiatives sont menées pour sensibiliser contre la dépigmentation. Cette année encore les plateformes Pensées Noires Magazine et Myafricainfos, ont décidé de poursuivre leur lutte contre ce fléau à travers la campagne de sensibilisation baptisée « S’aimer Au Naturel naturel ». L’objectif est de faire valoir l’acceptation de soi et de dénoncer les risques que courent les adeptes de cette pratique. Pour cette deuxième édition, la campagne s’aimer au naturel, aura lieu du 1er au 8 mars 2022.