La génération actuelle active des Africains se trouve dans une phase de prise de conscience qui la pousse à se poser des questions sur la culture africaine. Et qui dit culture africaine dit proverbes africains. Dans cet entretien Le professeur d’université Kouadio nous explique la parémiologie dans le contexte africain.

Bonjour Monsieur ! Vous êtes Professeur certifié de Lettres Modernes à l’Université UCAO de la Côte d’Ivoire. Pouvez-vous nous offrir votre présentation complète ?

Je me nomme KOUADIO et me prénomme Yao Jérôme. J’étais, anciennement, Professeur certifié de Lettres Modernes de Lycée. Mais depuis plusieurs années déjà, je suis passé Professeur Titulaire de Traditions, Littératures Orales et Parémiologie (Lettres Modernes), après avoir soutenu une thèse de Doctorat de 3ème cycle et un Doctorat d’Etat ès-Lettres et Sciences Humaines sur les proverbes. Je suis effectivement en poste en tant qu’Enseignant-chercheur à l’Université Alassane OUATTARA de Bouaké (Côte d’Ivoire).

Nous sommes honorés de vous avoir en interview sur notre site dédié à la promotion de l’Afrique et c’est naturellement que nous nous intéressons à l’une des axes de vos cours : la parémiologie. Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit ?

La parémiologie est d’abord l’étude des proverbes. Cependant, de la simple étude des proverbes je suis en train de montrer que la Parémiologie peut être considérée comme une science sociale (ou humaine). La raison en est que, contrairement aux autres genres littéraires oraux, le proverbe a, bien souvent, une base expérimentale.

En effet, des proverbes ont été créés à partir d’une longue observation des êtres et des choses. Ils sont donc fondés sur l’expérimentation grâce à laquelle ils énoncent, très souvent, des vérités générales, universelles et incontestables qui assurent leur pérennité.

En outre, l’étude des proverbes peut permettre de connaître la vie des peuples, leur culture, leur organisation sociale et leur situation sociologique. Dans cette perspective, on peut affirmer que la parémiologie, qui a un objet d’étude (le proverbe) une méthode (la démarche expérimentale car les proverbes ont été validés après vérification des faits sur lesquels ils portent), peut être perçue comme la théorie de la connaissance de l’homme (sa culture, ses pensées, son milieu et son art) par le canal des proverbes.

Dès lors, de notre point de vue, la parémiologie est semblable à la Sociologie, à l’Anthropologie ou à la Philosophie. Elle pourrait être est donc une science sociale. Je souhaiterais, donc, qu’elle soit acceptée comme telle.

Dites-nous quelle est la particularité des proverbes africains par rapport aux autres genres de la littérature orale ?

Je l’ai dit tantôt : contrairement aux autres genres de la littérature orale, le proverbe est validé par l’expérience et contient des vérités d’ordre général, voire universel qui lui permet de survivre aux temps. La preuve en est qu’il y a des proverbes qui existent depuis des milliers d’années, et qui sont toujours d’actualité, dans la mesure où ils sont cités dans les temps présents sans que leur valeur de vérité ne soit contestée. Ce pouvoir qu’ils ont d’être dits en tous lieux et à tous moments est tributaire, non seulement de leur caractère véridique, mais aussi du fait qu’ils sont des métaphores.

Depuis 2005 la Parémiologie est enseignée en Côte d’Ivoire. Pouvez-vous dire que les étudiants s’y intéressent vraiment ?

Effectivement depuis 2005, soutenu par mon maître, Pr ZIGUI Koléa Paulin, j’ai introduit l’enseignement de la parémiologie dans les universités publiques en Côte d’Ivoire. De toute évidence, cette discipline plaît aux étudiants, puisque plusieurs parmi eux y ont déjà soutenu leurs mémoires de Maîtrise, de Master et même leur thèse de Doctorat. J’encadre actuellement de nombreux étudiants en Master et des doctorants en Parémiologie. C’est donc là la preuve que la Parémiologie intéresse des étudiants.

Selon vous quelle est l’importance des proverbes dans la Culture Africaine ?

Comme d’autres genres littéraires oraux, les proverbes sont un creuset de valeurs littéraires, culturelles et artistiques, en Afrique. Au regard de ce que l’Afrique continue de vivre son oralité, le proverbe, a priori un genre oral, est un moyen efficace d’enseignement et d’utilisation des valeurs culturelles.

Dans une Afrique qui se modernise où la jeunesse est plus portée vers la mondialisation, quelle est ou sera la place des proverbes dans l’éducation de cette nouvelle génération Africaine ?

La place des proverbes en Afrique moderne sera celle que les Africains eux-mêmes voudront qu’elle occupe. Si les Africains, tout en s’ouvrant sur l’extérieur, donc aux autres cultures, tiennent à garder l’essentiel de leur culture, les proverbes vivront et survivront. Les premières conditions, à mon avis, pour que les proverbes continuent d’être cités, est la sauvegarde des langues africaines et la volonté affichée des décideurs de faire la promotion de la culture (ou des cultures) africaine en les intégrant à l’enseignement du primaire au supérieur.

En collaboration avec des acteurs influents, la Fondation SENAKPON par le biais de son responsable Marcellin Gandonou Senakpon a publié le livre Rasposy des Proverbes et Sagesses Africains. Quel est votre avis sur ce support ?

Tout support, tout moyen qui permet de sauvegarder et de vulgariser les valeurs africaines devra être utilisé par les Africains. Ce livre est donc nécessaire.

A côté de vos obligations universitaires, vous avez un cabinet de recherches sur les proverbes Africains. Pouvez-vous nous expliquer le fond du travail à ce niveau ?

Il faudrait rectifier ceci : le Cabinet Littéraire Plus YJK est une Société savante créée pour servir la cause de la littérature ivoirienne, africaine et internationale. Enseignant-chercheur, Professeur des Universités, j’ai l’intention, à travers le Cabinet, de mettre en place une bibliothèque riche et variée qui devrait aider les élèves, les étudiants, les chercheurs et le grand public à aimer la littérature et les Sciences humaines. A mon avis, c’est le premier Cabinet de ce type en Côte d’Ivoire. Le Cabinet Littéraire Plus YJK n’est donc exclusivement réservé à la promotion de la Parémiologie.

J’ai, plutôt, en projet la construction d’un Centre de Recherche International de la Parémiologie, des langues et cultures africaines. Je signale à toute fin, utile, que, pour faire la promotion de la Parémiologie est des proverbes, j’ai créé un site Web du nom : www.paremiologie.com.

Enfin pour être au service de la culture et des genres littéraires oraux africains, j’ai créé l’Association culturelle des Amateurs et Défenseurs des Genres Littéraires dans le Monde (ACDADGOM).

Quels sont les autres services proposés par votre cabinet ?

Outre la bibliothèque, le Cabinet, dont le fonctionnement repose sur un cerveau collectif constitué par d’autres enseignants-chercheurs, enseignants et des mécènes, se propose d’aider les étudiants et les chercheurs à corriger leurs travaux de recherche et mémoire de stage. Il se prose également d’aider les écrivains et futurs écrivains à corriger les manuscrits de leurs futurs ouvrages. Le Cabinet est aussi un lieu de rencontres culturelles, un lieu où seront données des conférences, et un lieu de présentations d’ouvrages.

Un message à la jeunesse africaine sur leur relation avec les proverbes Africains ?

Je voudrais dire à la jeunesse africaine des temps modernes qu’en dépit des hautes études qu’elle mène, il est nécessaire qu’elle reste africaine en vivant sa culture, car tout développement a pour socle la culture. En utilisant les proverbes, les jeunes sont assurés de connaître la culture de chez eux. Cela est important, car un proverbe baoulé dit : « Si tu es assis sur la chaise des Blancs, tu es assis par terre ». Cela signifie que les Africains qui vivent leur culture et connaissent les réalités de chez eux, sont en sécurité, mais que ceux qui, parce qu’ayant embrassé la culture occidentale, négligent la culture de chez eux, se trouvent dans une situation culturelle précaire, dérisoire et incertaine.

Votre dernier mot ?

Je tiens à dire merci à ceux qui m’ont permis de m’exprimer ici, grâce à cette interview. Je leur demande de me soutenir dans mon combat pour la valorisation des proverbes africains et la promotion de la Parémiologie. Je souhaite travailler en collaboration avec la Fondation SENAKPON pour qu’ensemble, nous puissions faire mieux connaître la culture africaine, l’union faisant la force. Je vous remercie.

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Interview réalisée par Essenam K² avec Moussa Coulibaly.

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Journaliste Web

1 Comment

  • Koné Nouhoun, 17 octobre 2019 @ 15 h 56 min Reply

    Bien que existant dans toutes les cultures ivoiriennes, le proverbe était méconnu dans le milieu universitaire ivoirien. Aujourd’hui hui, grâce aux nombreux travaux du professeur Kouadio Yao Jérôme, le proverbes a atteint ses lettres de noblesse. Désormais, le proverbe fait l objet de plusieurs recherches dans le milieu universitaire ivoirien. Il benéficie aussi d une grande attention au sein de la population,en témoigne l émission super samedi de radio cote d ivoire ou un l espace dédié aux proverbes était bien suivi par de nombreux auditeurs mème , en dehors de la Cote D Ivoire.Merci cher maitre pour cet engagement pour la promotion des traditions africaines.

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