La Sénégalaise Seynabou Diouf est la lauréate 2019 du Prix de la policière des Nations Unies, a annoncé l’ONU le vendredi 1 novembre. Ce Prix lui sera remis lors d’une cérémonie qui se tiendra le mardi 5 novembre 2019, au siège des Nations Unies, à New York, à l’occasion de la 14e édition de la semaine de la police de l’ONU.
Commandante au sein de la Police nationale du Sénégal, Seynabou Diouf a été récompensée pour son service au sein de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco).
Au sein de cette mission, la Commandante Diouf dirige actuellement un groupe de travail pour aider à prévenir et combattre l’exploitation et les abus sexuels à Goma, dans le Nord Kivu.
Le comité de sélection l’a récompensée pour son service exemplaire, qui a eu un impact direct et positif au sein de la population locale et de la Police nationale congolaise. La policière sénégalaise est également responsable du réseau des femmes de la police de la MONUSCO qui relie des policières dans des activités de formation, d’accompagnement et de développement professionnels et d’appui mutuel.
« Par son travail en appui aux survivants de violences sexuelles au sein du Réseau des femmes de la police de la MONUSCO et ses initiatives visant à renforcer la police de proximité dans la Police nationale congolaise, la Commandante Diouf incarne l’esprit de cette récompense ainsi que les valeurs de l’Organisation.Elle est un exemple pour nous tous », a déclaré,dans un communiqué de presse, le Commissaire Luis Carrilho, Conseiller de police des Nations Unies.
Seynabou Diouf, qui a plus de 33 années d’expérience au sein de la Police nationale sénégalaise, s’est dit très honorée de recevoir cette distinction. « Cela compte beaucoup pour moi. La prévention de l’exploitation et des abus sexuels est une priorité pour moi, pour mon équipe et pour la MONUSCO. Nous sommes récompensés de nos efforts », a-t-elle déclaré, précisant qu’aucune allégation n’a été rapportée à l’encontre de la police de la MONUSCO cette année.
« Mais nous pouvons toujours faire davantage – une seule allégation est une de trop », a-t-telle fait savoir. « Nous devons continuer de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour veiller à ce que ce chiffre reste à zéro et que les victimes d’abus reçoivent toute l’assistance nécessaire », a ajouté la policière sénégalaise.
La Commandante Diouf a été sélectionnée parmi 30 candidates de huit missions. La policière sénégalaise a auparavant servi dans deux autres missions onusiennes en Afrique : la Mission hybride des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD) et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) où elle était en charge des questions de conduite et discipline.
Seynabou Diouf est la première femme gardienne de la paix du Sénégal ainsi que la seule femme, et Major de sa promotion, la 20ème de la police nationale sénégalaise. Une promotion dont les membres avaient été radiés par l’ancien président sénégalaise Abdou Diouf, en avril 1987. Cette mesure de radiation collective est intervenue à la suite des événements des 13 et 14 avril 1987 que certains ont qualifiés de « grève des policiers ». Pendant ces deux jours, certains membres des forces de police basés à Dakar ont occupé la voie publique pour manifester contre une décision de justice condamnant six de leurs collègues à des peines d’emprisonnement fermes.
Le cri du cœur de sa fille
Dans une lettre ouverte au ministre de l’intérieur du Sénégal,Aly Ngouille Ndiaye, sa fille Fatoumata Binetou Kane, qui souhaite que le Sénégal puisse également honorer sa mère, écrit : « Oui, elle a fait partie de ces milliers de personnes tristement radiées et qui ont dû supporter pour la plupart des années de souffrance, 7 ans plus précisément pour ma mère. Vous pouvez deviner la galère durant ces années, sans aucun revenu, dans une famille pour qui elle s’est sacrifiée et a fait le 1er concours qui s’était présenté à elle, renonçant ainsi à son rêve de devenir médecin. Monsieur le Ministre, ma mère a eu la « chance » d’être réintégrée. Au bout de 7 ans, elle a été affectée à la police municipale de Dakar où elle a servi jusque vers l’an 2000, ce nouveau millénaire qui a sonné comme une aubaine pour elle. Je vais juste énumérer les missions auxquelles elle a participé jusque là et je me retiendrai d’élaguer. En effet, c’est en 2004 qu’elle est sélectionnée pour aller représenter notre pays au Darfour pour une mission de maintien de la paix. Elle y fera trois ans avant de rentrer définitivement au pays avec les « regrets » de ses supérieurs et collègues d’alors. En 2006, elle est affectée au commissariat spécial de l’aéroport international Léopold Sedar Senghor de Dakar où elle sert jusqu’en 2015. Puis, s’en suivent respectivement ses missions à la MINUSMA et à la MONUSCO, où elle est encore…»
Et de poursuivre « Monsieur le ministre, je vous prie d’excuser la fille que je suis de vouloir que ma mère, qui plus est mon idole pour tout ce qu’elle est et représente, soit décorée. Pour cette battante de notre patrie, celle qui a raté les grands événements de ses enfants parce que son pays avait besoin d’être représenté. La connaissant, elle apprécierait d’une part que je me sois ouverte à vous, mais d’autre part m’en voudrait car elle emploie le service civique comme Daniel Brotier. Elle sacrifie tout à l’intérêt général. Je vous prie, Monsieur le ministre de consulter vos collaborateurs qui vous espérez pourront vous dire en détails son parcours dans la police. En plus, je serai honorée que vous me receviez afin d’échanger sur elle, mais je le serai encore plus si vous pouviez faire honneur à ma mère. Elle le mérite vraiment et ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues ne diront pas le contraire ».
30% de femmes d’ici 2028
Le Prix de la policière de l’ONU a été créé en 2011 pour honorer la contribution exceptionnelle des femmes officiers de police aux opérations de paix des Nations Unies ainsi qu’à l’autonomisation des femmes.
La 14e édition de la semaine de la police de l’ONU, au cours de laquelle sera remis le prix à Seynabou Diouf, réunira des officiers et experts de police de 14 missions de maintien de la paix, de missions politiques spéciales et de bureaux régionaux qui aborderont les questions de performance, de renforcement de la conduite et de la discipline et de la pérennisation de la paix à travers la promotion des droits de l’homme.
Plus de 10.000 policiers de l’ONU sont déployés dans des opérations de paix de par le monde pour aider à renforcer la paix et la sécurité en appuyant les États membres dans des situations de conflit, d’après-conflit et de crise.
Les Nations Unies visent à déployer 30% de femmes parmi les officiers de police et 20% parmi les unités de police constituées d’ici à 2028. Plus de 1.400 policières servent actuellement dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU.
Le Sénégal est le premier pays contributeur de policiers aux opérations de paix l’ONU et figure parmi les cinq principaux contributeurs de personnels de police féminins.
Patrick Ndungidi
Journaliste et Storyteller
https://africanshapers.com