Doté d’une lourde expérience professionnelle dans le domaine de la photographie, le photojournaliste gabonais Desirey Minkoh a lancé sa propre plateforme de vente d’images. AfrikImages Agency se veut une plateforme d’images de l’Afrique par les Africains afin de montrer l’autre image de notre cher continent.
Bonjour Desirey ! Photojournaliste de formation vous avez travaillé avec de grands médias internationaux. Qu’est-ce qui vous a poussé vers la photographie ?
C’est par pur hasard que je suis tombé dans la photographie.
Mon frère ainé venait de s’offrir, avec sa bourse d’étudiant, un appareil reflex Olympus qu’il amena naturellement à la maison et me demanda de le prendre en photo après m’avoir montré comment viser et déclencher… après cette séance photo, il n’a plus jamais récupéré son appareil. C’est ainsi qu’est née mon envie d’en faire un métier.
Mon expérience avec la presse internationale a débuté pendant que j’étais chef de service Photo du premier et unique quotidien gabonais, le journal << L’Union >> avec des commandes de Afrique Football et Paris Match. Ensuite, c’est l’Agence France Presse qui me contacta pour être son correspondant en Afrique Centrale après une formation à l’Ecole Supérieure Louis Lumière de Paris et un stage d’édition, de traitement et de transmission photo au siège de cette agence. J’ai travaillé pour cette agence pendant 7 ans en Afrique centrale et de l’ouest où j’ai couvert tous les conflits et coups d’Etat durant cette période chaude (1999-2006), jusqu’à la guerre du Darfour et cela a valu à mes images plusieurs publications dans la presse internationale.
En février dernier, vous avez lancé AfrikImages Agency. Que proposez-vous concrètement sur cette plateforme ?
Afrikimages Agency propose d’abord aux photographes africains et d’autres résidant sur le continent de raconter une autre Afrique que celle des clichés traditionnels de misère et de guerre que moi même j’ai d’ailleurs produit pour une agence internationale.
Il est temps pour nous photographes Africains de prendre conscience que c’est a nous de montrer cette autre Afrique positive et authentique car, il n’ y pas que les guerres, la famine, la pauvreté chez nous.
Afrikimages Agency propose donc cette categorie d’images de notre quotidien dans toutes sa diversité : vie quotidienne, économie, sports, environnement, nature, sans oublier notre actualité et ce à des prix accessibles à tous et avec une facilité de paiement en ligne. Nous sommes sauf erreur ou omission les seuls a proposer une rubrique « Vie au village » sur notre site Web : Afrikimages.agency
Les photos sont naturellement accessibles via des abonnements payants. Dans une Afrique qui a du mal à électroniser l’argent, comment pensez-vous relever le défi de la vente en ligne de vos images vers les clients africains ?
Le premier défi était déjà d’intégrer ce moyen de paiement (avec carte bancaire) car aucune banque au Gabon n’accepte ce moyen de paiement actuellement (il paraît qu’ils sont en train d’y travailler).
J’ai donc du aller à Kigali où ils ont cette expertise et associer les développeurs Rwandais et Gabonais pour le mettre place et intégrer ce système de paiement sur notre site, avec toutes les garanties nécessaires de sécurité. Cela nous a pris beaucoup de temps, mais l’objectif a été atteint.
Pour répondre à votre question sur les clients Africains, il est clair qu’on ne peut pas attendre que tous les Africains puissent avoir accès à ce moyen de paiement avant de l’intégrer sur notre site internet, surtout que pour le moment, la majorité de ceux qui achètent les photos chez nous résident hors du Continent, en espérant que cette tendance sera inversée dans les années à venir.
AfrikImages Agency s’est également lancée dans la formation de jeunes photographes. Pourquoi avoir décider d’associer la formation à vos prestations ?
Dans la vie en général, dans tout ce que nous faisons, même dans le cadre familial, il faut assurer sa pérennité et celle de nos actes. Et la formation pour nous est la meilleure garantie à cela. Afin que ce que nous faisons aujourd’hui servent maintenant et demain et sur plusieurs générations.
J’ai personnellement formé de manière informelle et gratuite plus d’une dizaine de jeunes qui sont devenus photographes. Aucun d’eux n’a payé un seul franc. Et je suis heureux aujourd’hui de les voir exercer et gagner leur vie aujourd’hui via cette formation.
La photographie coûte cher, et même très cher. Au niveau de l’agence on est en train de chercher des voies et moyens pour ouvrir un centre de régional de formation aux métiers de la photographie, bien structuré avec des partenaires qui peuvent nous accompagner dans cette noble mission de former de jeunes africains dans ce domaine.
Quelles sont donc les conditions pour s’inscrire à cette formation en photographie chez AfrikImages Agency ?
Pour l’instant, nous n’organisons que des stages brefs de 2 à 3 jours soit sur l’initiation, soit sur le perfectionnement d’une technique de manière plus approfondie. On nous fait souvent appel aussi pour l’animation des workshop au Gabon et à l’étranger.
Pour vous, quelle est la place de la photographie dans l’amélioration de l’image de l’Afrique vue de l’extérieur ?
Comme l’a dit le philosophe Chinois Confucius, je cite « Une image vaut mille mots ». Ce sont les photographies qui ont en grande partie véhiculées cette image négative de notre Continent et je pense que c’est aussi à cette même photographie d’inverser cette tendance, mais cela passe par une prise de conscience collective de nous photographes africains. Ce n’est ni simple, ni facile car ceux qui paient bien nos photos ne s’intéressent qu’à ces clichés vils et dévalorisant de notre continent et le photographe a besoin de vendre ses œuvres pour vivre.
Depuis que j’ai décidé de ne plus vendre la pauvreté et la guerre, les invitations d’exposition se font rare en occident. La dernière date de 2015 et c’était sur la « Guerre du Darfour ». Là est tout le dilemme. Il faut juste qu’on tienne bon et qu’on arrive à trouver un équilibre entre vivre de nos œuvres et chercher la manière de montrer notre continent autrement car personne d’autre que nous ne le fera à notre place.
Jusqu’au 31 juillet 2019 se tient à Libreville une exposition photos sur le feu Président gabonais Omar Bongo Ondimba. Vous avez été l’un des photographes proches du Président de son vivant. Dites-nous comment s’est fait le travail de préparation de cette exposition ?
Effectivement, je fus un des photographes, sinon son dernier photographe privé car à cette période je travaillais toujours pour cette agence internationale. C’est donc tout naturellement qu’on m’a confié l’organisation de cette grande exposition sur une aussi haute personnalité qu’a été le président Omar Bongo Ondimba.
Ma plus grande difficulté a été de trouver des archives qui malheureusement et c’est triste de le dire n’existent pas chez nous. On a du payer 80% des photos exposées dans les agences et chez les partenaires d’Afrikimages Agency.
Ayant connu l’homme, nonobstant les demandes de sa Fondation qui était commanditaire, j’ai essayé au maximum de monter et réaliser cette exposition comme si lui-même allait venir la regarder et je pense sans prétention aucune avoir réussi avec l’ensemble de ma jeune équipe dans un délai aussi court à présenter les choses telles qu’il l’aurait souhaité.
Et la grande leçon que je tire de cette exposition est la nécessite pour nos pays de professionnaliser l’archivage de nos images.
Vous participez à la seconde édition du Forum de l’Image et de la Photographie sous le thème “Histoire de la Photographie et partage d’expérience”. Que peut attendre le public de cette participation ?
Cette initiative des jeunes Gabonais permettra non seulement au public mais aussi aux pratiquants de découvrir toutes les facettes des métiers de l’images et de la photographie en particulier avec toutes ces conférences et les nombreux ateliers qui s’y dérouleront.
D’autres projets d’exposition à venir ?
Toute notre énergie est concentrée sur notre production, la visibilité à l’international de notre jeune agence et le projet de la mise en place d’un centre régional de formation.
Il existe beaucoup de personnes qui aiment la photographie sans pouvoir en faire un métier. Au-delà de la passion que faut-il pour devenir un professionnel de la photo ?
La photographie tout comme les autres métiers d’art, ne peut se faire et réussir sans la passion car c’est elle qui nous donne la force nécessaire lors de nos multiples échecs ou difficultés. On peut avoir appris dans la meilleure école de photo, si on est pas passionné il sera difficile de tenir la route et vivre de ses œuvres.
Un dernier mot ?
Le dernier mot est pour mes collègues photographes africains à qui je lance une invitation a nous rejoindre sur ce projet qu’est cette agence photographique faites pour nous et pour notre continent.
Ce projet m’a pris plus de 15 ans de préparation. J’ai appris des grandes agences, des terrains parcourus en Afrique et le reste du Monde pour d’autres. Je connais nos difficultés, je vis en Afrique et connais nos conditions de travail et pas depuis un bureau parisien à vous demander de m’envoyer vos photos sans aucune garantie de vente ni de visibilité.
Avec des fonds propres, ce projet est né et je suis des vôtres, vaut mieux que vos photos soient vues par des professionnels de l’image qui peuvent les acheter que de récolter des milliers des « likes » et « félicitations » sur vos pages personnels dans les réseaux sociaux.
C’est notre sérieux, notre rigueur professionnel et nos régularités dans notre production qui feront de notre agence une des meilleurs de notre continent et celle qui vend le mieux notre Afrique et pourquoi pas bénéficier des financements qui nous aideront à grandir plus vite. Ensemble, nous le pouvons!
Contact
- Tel. : +241 07293878
- Site Internet : afrikimages.agency
- E-mail : dminkoh@afrikimage.agency