La campagne de sensibilisation contre la dépigmentation volontaire de la peau et en faveur de l’acceptation de soi baptisée, « S’Aimer Au Naturel » 2024 est lancée. Initiée par Pensées Noires magazine et le site MyAfricaInfos (www.myafricainfos.com), S’Aimer Au Naturel est une série d’actions réalisées afin d’éveiller les consciences sur les dangers de cette pratique, le blanchissement de la peau, à travers des facebooklives, musiques, documentaires, articles et vidéos.
Pour cette 4ème édition, nous sommes heureux d’avoir comme premier visage, un homme, une première dans la campagne depuis trois années d’activité. M. Claudy Siar , homme de médias, entrepreneur culturel français dont l’engagement pour le meilleur devenir des peuples d’Afrique et communautés noires n’est plus à prouver. Il est le parrain de « S’Aimer Au Naturel 2024 ».
Ce vendredi 01 mars, la campagne s’ouvre avec bien évidement un homme, fier de partager l’affiche de cette année avec des femmes de valeurs, M. Dessa Ganda. Acteur culturel Togolais, danseur, slameur, conteur, poète et écrivain, il est notre première personnalité invitée.
S’Aimer Au Naturel : David Dessa Ganda, vous êtes un artiste à multiples facettes, comment vous-définirez ?
David Dessa Ganda : A toute l’équipe de la campagne « S’Aimer Au Naturel » je vous dis merci pour cette belle initiative. Salutations à toute l’Afrique. Effectivement je suis un artiste polyvalent au service de l’art ; comédien, conteur, humoriste, slameur, chanteur, auteur et danseur. L’humour et le Slam ont tout d’abord comme dénominateur commun la scène et la scène est pour moi le lieu par excellence de la représentation de la vie. Avec style et technique chacun la façonne. Certains juste pour le beau et certains comme moi pour le beau et au-delà. Je me définis comme artiste de messages ou messager. Et mes canaux sont les arts de la scène. En humour tout comme en Slam je reste subtile avec des sujets sociopolitiques. Si la scène est mon arme, les arts de la scène sont mes munitions.
S’Aimer Au Naturel : Quel est votre univers à penser qui fait certainement tomber des masques ?
Me considérant comme citoyen à part entière de la société, mon travail prend en compte aussi ce qui se passe autour de moi. Même si j’utilise quelques fictions pour la forme, le fond est blindé de réalités. Je suis venu à l’art pour être utile à la société. Et surtout avec le conte je garde cette dimension qui est comme une mission, une vocation. Énoncer les bons côtés et dénoncer les ratés de la société.
S’Aimer Au Naturel : A votre dernier passage à Lomé, capitale de votre pays le Togo , vous n’avez pas chômé. Racontez-nous.
Ah oui ! J’ai carburé. Ça m’a tant manqué. Ce fut un séjour plein d’évènements culturels, rencontres et émissions, puis ponctué d’une dédicace de mes deux ouvrages parus aux Éditions Awoudy, le recueil de contes “la Fleur fantôme” et la nouvelle “l’Incendie-ci”. A chaque fois que je trouvais un peu de temps j’avais l’impression que je ratais quelque chose. J’ai même été visité mon quartier d’enfance Nyekonakpoè. Ce quartier où tout a commencé.
S’Aimer Au Naturel : Quel est votre actualité Dessa Ganda?
Je suis actuellement dans un processus de création de spectacle de danse et théâtre, un duo avec Eden Meier un autre artiste danseur et chorégraphe togolais basé à Berlin. Le titre du spectacle est : WIR ( Nous). La direction artistique est assurée par un autre artiste danseur et chorégraphe togolais Kossi Sebastien Aholou-Wokawui. La première est prévue le 29Mars. Je développe aussi un concept d’art multidisciplinaire entre théâtre d’improvisation, conte et musique avec un artiste camerounais Étienne Eben destiné aux enfants de 4 à 6ans. Ce serait entre workshop et performance. Et je suis aussi en train de promouvoir mon tout dernier spectacle de contes intitulé : “sous un soleil tapant les tympans”. Parallèlement j’écris un texte sur la situation du Congo Démocratique en allemand, puis un autre texte en Mina à propos de la considération du peuple par les politiques.
S’aimer au naturel : Dessa Ganda c’est surtout quelques distinctions qui témoignent de votre amour pour l’écriture et les mots. Dites nous en plus.
Mon tout premier prix littéraire était en 2004 au Centre Culturel français de Lomé où j’avais reçu le prix du meilleur lecteur au Festival Edzovo. En 2010 j’ai reçu le 2e prix du Concours Amour responsable organisé par PSI Togo; En 2012 le prix de la meilleure Nouvelle “Plumes francophones” avec la Nouvelle “l’incendie-ci” . Ce concours était organisé par l’association Filbleu et l’Institut français du Togo ; en 2013 j’ai eu le 1er prix du Tournoi de Slam “Jeudi Jeu dit” qui donnait droit au Championnat francophone de Slam au Mans en France. J’y ai représenté le Togo et fini en Final. En 2014 le Premier prix du Concours de Slam pour la Paix organisé par l’ONG Wanep Togo. Ce sont des récompenses qui ont boosté ma motivation à des périodes clé de ma carrière.
S’Aimer Au Naturel : En ce mois de mars 2024 vous avez accepté associer votre image à la campagne S’Aimer Au Naturel. Le blanchissement de la peau est-il une pratique dont vous entendez parler?
Oui surtout quand j’étais encore au pays. C’est un vrai sujet touchant bien le genre féminin que masculin. En Allemagne c’en est pas un. Ou j’en suis pas au courant.
S’Aimer Au Naturel : l’artiste que vous êtes a-t-il tenté d’en savoir plus?
Bien sûr, le phénomène m’a surtout frappé en 2007 lors de mon voyage pour un Festival de théâtre à Matadi au Congo Démocratique, où j’ai vu beaucoup plus d’hommes dépigmentés. Les raisons sont multiples. La principale est le complexe dû au modèle de beauté que les médias ont figé dans les têtes : Une belle personne doit être teint clair ! Erreur ! La beauté se trouve dans la simplicité, le naturel. Je l’ai dit avec subtilité lors de mon spectacle d’humour One Man Chauve (2016) qui était carrément une auto dérision et qui sous-tendait l’acceptation de soi. Le naturel sien.
S’Aimer Au Naturel : Pour les plus avertis il s’agit d’un rejet de la peau noire qui ne dit pas son nom et non un phénomène de mode. Qu’en pensez-vous ?
Effectivement, le rejet de sa peau et la tendance sont aussi des raisons qui expliquent ces faits déplorables. J’ajouterai aussi le dénigrement de sa peau, le fait de sous-estimer sa propre peau et ses qualités. Pourtant les conséquences sont bien visibles. Les tâches rouges et noires qui se forment autour de la main, du poignet, sans oublier le cancer de la peau. Pendant que les personnes dites de peau blanche cherchent à bronzer leur peau.
S’Aimer Au Naturel : Comment combattre cette pratique d’après vous?
C’est d’ordre médiatique et politique. Les médias locaux doivent revoir leur politique commerciale face aux publicités mensongères. Et prôner plutôt des campagnes comme celle-ci. Multiplier des actions en ce sens. Dans tous les milieux et secteurs d’activité. Sensibiliser la masse. Les autorités doivent sanctionner aussi la commercialisation des produits souvent chimiques éclaircissants la peau. Nous artistes aussi devons multiplier des œuvres en ce sens. Quand j’étais à Lomé, Safir Kpé, une artiste slameuse traitant le sujet, m’a fait écouter son beau texte en Mina et français sur le sujet.
S’Aimer Au Naturel : Un conseil à donner à celles et ceux qui s’éclaircissent la peau, et à qui veut se lancer dans la pratique ?
Sœur, frère tu t’infliges plein de peines en t’imbibant de produits chimiques.
Sors, frais, fraîche, de l’incongru suivisme, tu es unique.
Tu te blesses lentement en voulant plaire.
Les conséquences vont bientôt te déplaire.
S’Aimer Au Naturel : Pour vous qui êtes très souvent entre deux avions, avez-vous déjà été victime d’une gêne à cause de votre couleur de peau ?
Je n’ai jamais eu de gêne à cause de ma couleur de peau où que se soit. Même face aux provocations. Sur le coup je me rend compte que je suis différent des autres mais ça ne m’a jamais gêné pour autant. C’est aussi peut-être à cause de l’art qui prône la particularité.
S’Aimer Au Naturel: Votre coup de gueule contre le racisme ?
C’est très ignoble et ignorant d’être encore raciste à notre époque avec toute la diversité que le monde autour de nous nous démontre tous les jours.
S’Aimer Au Naturel : Vous donnez du crédit à la chronique BD “S’Aimer Au Naturel”, un conseil à donner pour la voir grandir ?
Peut-être penser aussi à la rendre au moins bilingue (français – anglais).
S’Aimer Au Naturel : votre souhait pour l’Afrique et ses enfants pour clore cet entretien ?
L’ Afrique reste un continent très riche, que ce soit dans sa diversité, ses plus de 2000 langues, ses ressources humaines et naturelles. Mon souhait est qu’on pense grand ensemble, qu’on mette toutes nos forces ensemble pour améliorer notre présent et développer notre futur.
Cela passera par les liens fraternels entre les régions, l’organisation, la mise en valeur et la combinaison des compétences. Merci
Propos recueillis par Alain MOUAKA (Ceo de Pensées Noires Magazine)