Hannelore Ver-Ndoye est notre invitée en ce dernier jour de la campagne S’Aimer Au Naturel. Hannelore Ver-Ndoye est enseignante titulaire d’un master en géographie, spécialité histoire économique et sociale de l’Université de Genève. Elle est auteure d’un livre qui parle de la dépigmentation volontaire de la peau.
Hannelore Ver-Ndoye répond aux questions de Alain Mouaka.
Hannelore Ver-Ndoye : Lorsque je me suis lancée dans des recherches sur cette pratique pour mon mémoire universitaire, j’ai trouvé la thématique tellement vaste, tellement passionnante et clé que j’ai eu envie de transposer tout cela dans un ouvrage accessible à tous. C’est en décortiquant ce phénomène et en diffusant l’information que l’on peut contribuer à le visibiliser pour alerter le plus grand nombre !
Un lecteur se présentant comme le fils d’une femme qui se dépigmente la peau m’a laissé un message en me remerciant pour mon livre et mon engagement contre cette pratique. Cela m’a beaucoup touchée car la pratique de sa mère l’affectait beaucoup.
Les causes sont multiples, c’est ce qui en fait un phénomène si complexe. Colonisation, passé historique de dénigrement des carnations foncées, distinction de classe, discrimination sociale, industrie cosmétique capitaliste, médias discriminants, racisme, sexisme, misogynoire, colorisme… différents mécanismes peuvent être imbriqués et ce sont souvent les mêmes quelque soit le continent.
Partout justement ! Avec une prédominance en Asie et en Afrique.
Oui c’est le plus tragique. C’est le plus important à rappeler : les produits dépigmentants sont nocifs pour la santé ! Il n’y a aucune technique dépigmentante qui soit sans danger. Des substances dangereuses telles que le mercure, les corticoïdes, l’hydroquinone, le glutathion etc. sont utilisées, parfois sans même être indiquées. Certains utilisent des produits abrasifs. Toutes ces substances endommagent la peau, qui est un organe, mais aussi tout le système du corps. On s’expose alors à différentes complications graves comme l’insuffisance rénale, le diabète, l’impossibilité pour la peau de cicatriser (ce qui peut être fatale), le cancer. La liste est longue.
Le teint clair est un enjeu bien trop important dans certaines sociétés. La valorisation générale des teints clairs dans les médias internationaux n’aide pas. Et puis il y a une offre toujours plus importante de produits cosmétiques dépigmentants. Il y a beaucoup de choses à faire pour endiguer le phénomène, je propose 10 pistes d’action dans mon livre, mais la réalité est que ce fléau n’est pas encore pris au sérieux. Pourtant, ce sont des centaines de milliers de personnes s’empoisonnent.
J’ai accepté malgré le fait d’avoir une carnation claire car le sujet a besoin de toutes les forces pour être visible et combattu donc c’est avec plaisir que je contribuerai à cette campagne en apportant mon soutien et mon expertise.
C’est l’une des interrogations de départ relevée dans mon livre (sourire). Il y a sans doute une part de rejet puisqu’on cherche à s’éloigner de sa teinte pour se rapprocher de ce qui est valorisé. Les facteurs incitatifs sont souvent multiples et peuvent dépendre selon la personne, mais le fait est que la peau noire a incontestablement un passé de dévalorisation violente et que cette dévalorisation est encore largement répandue à travers le monde.
Dans mon ouvrage, je propose 10 solutions concrètes. C’est un phénomène complexe et bien ancré, il est donc essentiel d’agir sur plusieurs fronts en même temps. Par exemple informer sur les dangers de cette pratique, réglementer le marché des produits dépigmentants, homogénéiser les lois à l’échelle internationale, pénaliser ceux qui mettent sur le marché des poisons, etc. et très important, sensibiliser sur cette pratique ainsi que sur les discriminations liées à la couleur de peau dans les écoles.
Cette pratique est trop souvent taboue, socialement ancrée et méconnue. Les gens ne connaissent pas suffisamment la dangerosité des produits dépigmentants ni tous les enjeux qu’il y a autour ! C’est pour cela que des campagnes comme la vôtre sont nécessaires : il faut en parler, informer, sensibiliser, arrêter de normaliser cette pratique !
Il y a beaucoup à faire pour éduquer correctement, et cela passe par l’école, d’une part, et une tolérance zéro, effective, envers le racisme d’autre part.
Non jamais malheureusement.
Effectivement une campagne massive soutenue par les médias serait bienvenue pour sensibiliser le plus grand nombre. Mais le sujet est encore sous-estimé malheureusement.
J’essaie d’exposer les mécanismes imbriqués dans ce phénomène en misant sur les échanges et le dialogue. Mon but est d’informer et de conscientiser.
Si les événements politiques le permettent j’ai quelques petites choses au programme à Dakar avant mon départ mais je suis toujours dans l’attente d’une campagne d’envergure à l’international.
Pourquoi ne pas la proposer dans des écoles ? Il faut encourager les jeunes à lever le tabou, en discuter, s’informer et relayer l’information auprès de leur famille.
Je souhaiterais que la nouvelle génération soit suffisamment informée, sensibilisée, conscientisée pour s’émanciper de la valorisation du teint clair et de cette pratique destructrice qu’est la dépigmentation volontaire de la peau.
Propos recueillis par Alain Mouaka; Ceo de Pensées Noires Magazine.
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