Peu médiatisés et donc peu connus du public, les Jeux Paralympiques sont pourtant un rendez-vous de sport de haut niveau réunissant des athlètes en situation de handicap physiques, visuels ou mentaux de tous les pays du monde pour des épreuves dit handisports. Ils sont organisés par le Comité international paralympique et ont lieu tous les 4 ans juste après les Jeux olympiques. C’est dans ce contexte que nous avons eu le plaisir de rencontrer l’un des athlètes paralympiques les plus titrés d’Afrique, figure de proue de ces jeux, l’Ivoirien Diamoutene Alidou, qui nous relate dans cette interview exclusive son parcours et ses espoirs.
15 médailles d’Or, 3 médailles d’Argent, 2 médailles de Bronze ; respect Champion !! Comment allez-vous ?
Je vais bien et j’espère que vous aussi!
Nous allons bien aussi! Merci de nous donner cette opportunité de mieux vous connaitre. Présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plait!
Merci à vous! Je me nomme Diamoutene Alidou, je suis Ivoirien, Athlète de haut niveau en sport paralympiques et je pratique spécialement le Powerlifting. Je suis powerlifter dans la catégorie des -54kg.
D’abord qu’est-ce que le powerlifting ?
Le powerlifting c’est une discipline sportive de force et de puissance qui consiste à lever des charges. Et pour nous handicapés on l’appelle le para powerlifter. C’est de L’haltérophilie handisport ou encore du développé couché.
Comment êtes-vous devenu powerlifter ?
Bon déjà comme tous les enfants j’ai toujours aimé le sport mais mon amour pour le powerlifting a débuté lors d’une compétition organisée par la Côte d’Ivoire en l’occurrence le « JAPHAF », les Jeux de l’Avenir des Personnes Handicapées d’Afrique. J’étais étudiant à l’époque et j’étais au campus donc j’avais des amis qui y participaient et lors du rassemblement je les ai suivis et je suis resté dans leur chambre.
Puis, il s’est fait qu’un athlète powerlifter s’est blessé à l’épaule , le coach est venu dans la chambre de mes amis et demandé qui pouvait remplacer ce dernier. J’ai levé le doigt même si je n’avais aucune notion de ce sport tout nouveau pour moi. Il était étonné de me voir lever le doigt mais m’a quand même donné ma chance en m’expliquant ce que je devais faire. Eh bien c’est ainsi que j’ai fini avec une médaille d’or.
Après j’ai fait la rencontre de Monsieur Angoua Roger qui sera mon coach et m’aidera à me découvrir ce talent. Ce Monsieur avait vu les aptitudes que j’avais. Il est d’ailleurs depuis et à ce jour mon coach et papa spirituel. C’est lui qui a fait de moi un champion. Malheureusement chaque fois que j’ai une compète, on m’assigne un autre coach qui voyage avec moi mais qui ne me connaît pas, ce que j’ai toujours trouvé dommage.
Vous avez eu à représenter la Côte d’Ivoire aux jeux paralympiques de Grèce 2004, Beijing 2008, Londres 2012, Rio 2016 et avez obtenu en somme 20 médailles pour votre pays dans votre carrière. Vous êtes une fierté pour la nation et pour tout un continent. Comment se sent-on avec toutes ces participations ?
C’est toujours une joie et une fierté de défendre les couleurs de son pays dans les compètes mais avec ce nombre de médailles et avec quatre jeux paralympiques, pour être sincère je n’ai pas vraiment eu de reconnaissance. Par exemple, je travaille toujours dans les mêmes conditions difficiles, de la préparation des compètes en passant par la nourriture jusqu’au matériel car ce sport, vous le savez tous, est vraiment très exigeants et nécessite beaucoup de moyens. Je suis négligé et laissé pour compte. C’est toujours monsieur Angoua Roger qui s’occupe de moi au niveau technique, sans reconnaissance et c’est dans sa salle de muscu que je m’entraîne.
En dépit de toutes ces médailles, paradoxalement vous êtes très peu connu du public, comment est-ce possible ?
Je pense que c’est dû au manque de promotion autour de ce sport et de ma personne, sinon les médias ivoiriens savent qu’il y a une fédération de sports paralympiques et qu’il y a des athlètes de haut niveau très performants qui représentent valablement le pays.
Il revient à la fédération de faire aussi connaître ses athlètes, de les présenter au grand public et de montrer ce qu’ils font pour le pays et ça doit se faire sur une longue période pas juste une fois en passant.
Avez-vous souvent eu l’aide de l’Etat ivoirien et par là, de la fédération ivoirienne des sports paralympiques ?
Oh, c’est l’État ivoirien qui finance les compètes auxquelles nous on participe via la fédération par conséquent on dira que l’État nous vient en aide.
Mais au-delà des compétitions en général, pour vos entraînements et autres est-ce que l’État vous fournit de l’aide ?
Bon dans la majeure partie des cas, soient les fonds ne viennent pas à temps, soient ils viennent à compte-goutte quand ça doit arriver. Mais à ce niveau il y a la fédération et c’est elle qui doit prendre soins de ses athlètes. Cette aide, personnellement je ne l’ai jamais eu et comme je l’ai dit plus haut, c’est Monsieur Angoua Roger mon coach qui m’entraine dans sa salle et essaie de m’aider comme il peut.
Justement à propos de fédération, nous avons ouï dire que vous aviez des différends avec cette dernière notamment avec son président ? Qu’en est-il et comment a évolué ce dossier ? Avez-vous eu gain de cause ?
Je n’ai pas de différends avec le président, je suis plutôt victime de cette personne.
Le problème est en cours de jugement et ça se passe entre deux présidents, vous avez suivi la crise je crois.
Donnez-nous plus de détails sur l’affaire si possible
Le fait est que j’ai été victime d’extorsion sur ma prime, 750 milles en tout. Il se fait que les abus de pouvoir font que pour les compétitions, c’est les plus offrants qui y participent. Je ne suis d’ailleurs pas le seul athlète dans ce cas. Je peux citer par exemple Noumbo jean, Fatima Diasso etc . Il y a des chantages et vengeances dès que vous refusez ou que vous dénoncez cette pratique-là. C’était là mon péché.
Au procès on m’a posé des questions auxquelles j’ai répondues. En tant que victime, j’ai expliqué ce que j’ai vécu. Cependant, comme ça ne va pas dans le sens souhaité de la personne ayant le plus de pouvoir, j’ai été tout simplement écarté des compètes. Cela fait deux ans et plus que moi et quelques autres athlètes comme Noumbo Jean, Kaket Grodon , Fatima Diasso , Koko Konan Blaise etc, sommes écartés des compétitions. Est-ce que c’est bon ? Est-ce que cela honore la Côte d’Ivoire ? A vous d’en juger.
Chose bizarre, après les jeux paralympiques de Rio, l’État ivoirien a décidé de récompenser les finalistes et médaillés. Moi j’avais fait une finale directe, mais je n’ai pas été récompensé pendant qu’au même moment le coach qu’on m’a assigné a eu un chèque de 5 millions. Le Coach est payé et l’athlète qui fera la compétition ne l’est pas. Allez comprendre. Pourtant les bonnes conditions que nous réclamions c’était pour l’ensemble des athlètes, pas pour une partie. Et on devient l’homme à abattre. Pendant ce temps, ce sont les plus offrants qui participent au compètes. Voilà la réalité dans plusieurs fédérations ici en Côte d’Ivoire.
C’est cela la réalité des athlètes, moi y compris. Même si le problème est en justice, moi je suis victime. Le pire en plus est que c’est lui qui m’a assigné en justice, c’est lui le premier à envoyer un huissier venir me remettre l’assignation à comparaitre chez moi à la maison.
Vous avez à vos actives 4 participations à 4 jeux paralympiques. Que cache le revers de toutes ces médailles ? Vous venez de nous en dire beaucoup mais il est clair que ce ne sont là qu’une partie des situations auxquelles vous êtes confronté.
En effet. C’est le même problème, l’encadrement, les préparations, le matériel, le côté diététique, le côté kiné, le médecin et aussi un bon environnement et des stages de perfectionnement. Voilà ce qui manque et au haut niveau dans les rendez-vous intercontinentaux comme les jeux paralympiques, c’est de tout ça dont on a besoin en plus de la grâce de Dieu.
Quand vous voyez un athlète se blesser par exemple, il n’est pas suivi comme il le faut. Or je ne vous informe pas, le sport aujourd’hui est scientifique et tout est calculé et programmé. C’est de ces choses que je parle, c’est ce que nous réclamions entre autre et qui fait de moi quelqu’un d’indésirable et dont il faut briser la carrière. J’ai même fait l’objet d’injures et de dénigrements divers sur les réseaux sociaux où on m’a traité de tout, sans savoir la vraie histoire.
Mais moi je ne me détournerai jamais de la vérité. Je suis un sportif de haut niveau, j’aime ce que je fais et je suis fier de le faire pour mon pays la Côte d’Ivoire.
Champion, parlant de blessure, vous aviez eu une blessure au coude pendant plusieurs mois avant de disputer les Jeux de Beijing 2008, ce qui vous a contraint à abandonner à la troisième remontée. Racontez-nous cet épisode malheureux
Comme je l’ai dit si vous n’êtes pas suivi comme il le faut c’est sûr que les blessures seront présentes car il n’y a aucun suivi. Les athlètes sont abandonnés à eux même et c’est à l’approche des compètes qu’on les regroupe pour essayer d’en faire quelque chose. Le suivi d’un athlète de haut niveau ça doit être tout le temps pas à l’approche des compètes.
L’athlète, c’est avec le corps qu’il travaille alors si il n’y a pas le suivi diététique, la médecine, en tout cas tout ce qu’il faut, c’est sûr qu’il va trainer des blessures et ne peut pas performer.
Et je pense qu’un président de fédération doit être auprès de ses athlètes et savoir leur difficultés, à quel niveau de forme ils sont et en y mettant toutes les conditions pour qu’ils soient prêts avant toute compétition.
Autre épisode, vous avez été aux jeux de Rio où vous étiez même capitaine de l’équipe de Côte d’Ivoire. Vous étiez très triste parait-il, pourquoi ?
Oui oui vu tout ce qui s’est passé avant et pendant les jeux il y avait de quoi l’être.
Quand au lieu de penser à la préparation des athlètes, on se préoccupe de ce que l’on peut gagner soi-même sur ces derniers, avec des harcèlements sur les athlètes et tout le reste il ne peut y avoir que ces sentiments. On me donne un coach autre que celui avec qui je m’entraîne et qui a fait de moi ce que vous voyez aujourd’hui et en plus l’atmosphère n’était pas bonne car il y avait trop de ragots et de médisances entre nous les athlètes, pour certains il fallait divisé pour régner donc dans toute cette ambiance comment ne pas être triste ?
Je ne dis pas que je n’ai pas ma part de responsabilité dans cette défaite, ma contre-performance c’est à moi en premier que revient la responsabilité, mais je veux tout simplement dire que l’atmosphère et l’ambiance d’une équipe sont très importantes qu’on soit en sport individuel que collectif. Tout ça en plus des conditions et un bon suivi, l’athlète a plus de chance de faire de très bonnes performances mais dans le cas contraire on ne peut rien faire.
Vous avez même fondu en larme !
Oui j’ai pleuré. Quand j’ai pensé à tous les sacrifices et entrainements que j’ai faits seul avec monsieur Angoua et à comment on est traité avant, pendant et après une compète, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer, c’était plus fort que moi.
Est-ce tout cela qui vous a motivé à créer la Fipp?
Oui, car moi je pense que pour qu’une fédération sportive fonctionne bien, il faut avoir à la tête quelqu’un qui a fait le sport à un certain niveau pour ne pas dire qui a été athlète de haut niveau, qui puisse comprendre les athlètes et transmettre sa passion pour la chose sportive et ses expériences. Il faut une personne qui sache comment l’athlète souffre et ce dont il a besoin pour être performant, en plus d’avoir un vrai plan de promotion et de développement de la discipline.
Par la création de cette fédération de para powerlifting (FIPP), je voudrais permettre aux personnes en situation de handicap de pourvoir pratiquer le sport professionnel et faire la promotion de ce sport afin de permettre à long terme à ces derniers de vivre de leur pratique pour une intégration totale.
Dites-nous en plus sur cette fédération
C’est une fédération qui est encore à ses débuts mais nous avons déjà organisé des compètes sur le plan national et je profite de l’occasion pour demander de l’aide à toutes les bonnes volontés en occurrence aux opérateurs économiques ou toute personne qui aime ce que font les athlètes handicapés et voudrait les aider à aller de l’avant. La FIPP compte actuellement en son sein une quinzaine d’athlètes et nous espérons en compter plus bientôt. C’est aussi l’occasion de faire appel à tout ivoirien en situation de handicap et qui aime le sport de nous contacter pour qu’ensemble nous puissions nous entraider et faire évoluer le sport dans notre pays.
En dehors du Powerlifting quelles sont vos autres activités, sportives ou pas ?
Je pratique aussi le basket-ball en fauteuil roulant
Que vous procure l’athlétisme ?
Moi je suis un passionné et j’aime le sport. Je suis sportif dans l’âme. C’est là où je me sens bien et où je me sublime. Mais au-delà de ce plaisir j’aimerais vivre aussi de mon sport.
A quoi carburez-vous ?
Je ne bois pas de boissons forte je suis plutôt pour les boissons énergisantes.
Végétarien ou carnivore et pourquoi ?
Moi je suis carnivore et je mange un peu de tout ce qui peut m’aider dans mon sport et entretenir mes muscles car chez nous en powerlifting l’alimentation est comme la paire de chaussure pour le footballeur. Elle est donc très importante. C’est pour cela que c’est un sport très coûteux.
Dites-nous aujourd’hui, si vous deviez avoir du soutien, soit de partenaires nationaux ou internationaux, d’une ONG, d’une fédération sportive hors du pays, d’une tierce personne ou même du pouvoir public afin que le sport paralympique ivoirien en général et vous en particulier, puissiez aller plus loin, de quoi devrait-il s’agir ?
Sincèrement moi là où je suis, je suis prêt à devenir Mauritanien si chez eux toutes les conditions et suivis permettant de pratiquer mon sport et de vivre de ça en toute quiétude sont réunies(Rire). Maintenant pour que les sports paralympiques soient très performants il faut changer de mentalité et travailler dans le vrai, sans mensonge, sans harceler les athlètes, sans vengeance. Il faut mettre à leur disposition les moyens financiers, matériels, nutritionnels, médicaux sur tous les aspects sans oublier le matériel approprié.
Quelques exemples précis de matériel ?
Pour le powerlifting il faut le banc de développé-couché pour handicapés, celui que nous utilisons en compète. Il faut aussi une salle de muscu bien équipée qui nous faciliterait les entraînements. Un bon encadrement et un suivi des athlètes sur tous les plans serait un atout considérable.
Pour le basketball en fauteuil roulant, il faut un fauteuil de compète adapté aux normes internationales de compétitions. Voilà pour avoir une idée ce dont nous avons besoin.
Que diriez-vous aux personnes handicapées en général et à celles qui voudraient se consacrer à un sport en particulier ?
Je leur dirai juste de s’armer de courage et de beaucoup pratiquer le sport, non seulement c’est bon pour la santé mais aussi, bien qu’étant handicapé, on peut pratiquer tous les sports que les valides pratiquent.
Le handicap n’est pas une faiblesse mais plutôt une force. C’est de la manière dont tu présentes ton handicap que l’on va te donner de la considération.
Il n’y a pas de limite. « Only the sky is the limit » .
Que diriez-vous au peuple ivoirien ?
Au peuple ivoirien, je voudrais leur dire que j’aime mon pays et je ferai tout pour l’honorer. J’ai besoin de leur soutien à tous les niveaux et je veux reprendre les compètes car les jeux paralympiques de Tokyo arrivent à grands pas et je suis actuellement privé de ce droit depuis deux ans. Que le peuple ivoirien m’aide à trouver une issue pour compétir et leur rapporter encore des médailles.
Les personnes handicapées en général et en particulier les athlètes paralympiques souffrent et ont besoin de leur soutien quel qu’il soit et d’où que ça vienne.
-Un message pour ces personnes qui sont en train de perdre espoir ?
Moi il faut vraiment beaucoup pour me décourager donc je demande à tous ceux qui vivent des périodes difficiles de ne jamais abandonner. La destinée de l’homme appartient à Dieu et un homme ne peut pas empêcher ce que Dieu a décidé. Je rends gloire à Dieu car c’est lui seul qui me donne cette force dans tout ce que je traverse de bon comme de mauvais.
Champion, un dernier mot!
Que Dieu fasse et termine ce qu’il a commencé dans ma vie de sportif. Soyez et restez bénis
Merci
Merci Champion
Chers lecteurs, vous pouvez contacter l’athlète Alidou Diamoutene sur ses adresses suivantes:
Téléphone: +225 08 92 81 76
E-mail: diamoutenealidou@yahoo.fr
Facebook: Alidou Diamoutene
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